Dans un monde un peu désenchanté, les Français ne sont pas près d’oublier la réouverture grandiose de Notre-Dame de Paris.
La cérémonie d’ouverture des JO, avec son kitsch mondialisé et ses poncifs progressistes, m’avait agacée. Samedi, en entendant sonner les cloches de Notre-Dame, j’ai pleuré. Le parvis, c’est le kilomètre zéro. Ce week-end, c’était aussi le centre de l’Occident et le cœur battant de la France. Sur X, une dame m’a demandé si j’étais chrétienne, comme si le catholicisme n’était pas une part de notre identité à tous. Une autre écrivait que ce n’était qu’un moment de mondanités avec tous les politicards mécréants français et le show-biz.
Peut-être suis-je bon public. Samedi, j’ai voulu voir une affirmation de la puissance française. Pas seulement à cause de la prouesse collective orchestrée par un État qui s’est dépêtré de son corset administratif. Ni parce que la paix en Ukraine a peut-être commencé ici. La dernière fois que 50 chefs d’État et de gouvernement ont été réunis ainsi, c’était à Paris, le 11 janvier 2015. Quand Paris est blessé, le monde entier souffre. C’est le soft power, la puissance de l’imaginaire qui fait que malgré la dette, la censure du gouvernement, l’insécurité, pour des milliards d’êtres humains, le nom « Paris » reste synonyme de beauté, liberté et grandeur.
Miracle politique : si je ne me trompe pas, on n’a pas entendu les Insoumis brailler, invectiver, insulter Macron et Trump ou parler d’atteintes à la laïcité.
Mais n’y a-t-il pas eu un mélange des genres politique et religieux?
Il ne faut pas parler de mélange, mais plutôt de hiérarchie ou de séparation. Le politique et le religieux existent ; ils doivent bien coexister. C’est l’État, propriétaire des lieux, qui remettait samedi les clefs de la cathédrale à l’Église attributaire. Le président de la République a parlé alors que la cathédrale n’avait pas été consacrée. C’est la République qui accueillait le gotha politique européen et américain. D’où la « Marseillaise » dans une église, ce qui n’est pas rien. La guerre est finie. César a gagné.
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Dimanche, c’est l’État qui était invité. J’y ai vu une démonstration de la force du catholicisme, quand l’Église cesse de se prendre pour une ONG et assume une forme de verticalité. La crosse de Mgr Ulrich, les oriflammes des paroisses étaient tendues vers le ciel, c’est un rituel qui peut sembler désuet pour certains mais qui nous inscrit dans la chaine des générations.
Bien sûr, ça ne changera rien. Notre feuilleton politique va reprendre, les suppressions d’emplois aussi. Et la liturgie cèdera sa place au tourisme de masse, Notre-Dame va malheureusement vite redevenir une étape entre Disneyland et Versailles…
Reste ce témoignage bâti par la foi et par la Raison. Dans un monde désenchanté, la renaissance de Notre-Dame de Paris représente une espérance, même pour les incroyants. Celle qu’il y a quelque chose de plus grand que nous, qui justifie notre passage sur Terre, que ce soit Dieu, l’Art ou la Révolution. C’est aussi une réponse à tous ceux qui croient que le pouvoir d’achat est l’essence de la vie humaine.
Cette chronique a d’abord été diffusée Sud Radio
Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale de Jean-Jacques Bourdin