La récente modification de l’hymne algérien, imposée par le président Abdelmadjid Tebboune, en quête de popularité, inspire à notre chroniqueur quelques réflexions sur l’Algérie dont nous lui laissons la responsabilité. Car enfin, pourquoi s’en prendre à un pays qui nous a envoyé tant de ressortissants qui font en France de si brillantes carrières…
En 1955, un an à peine après le début de l’insurrection, le poète nationaliste Moufdi Zakaria compose « Kassaman » (« Nous jurons »). Orchestrée par un Egyptien qui s’est largement inspiré de la Marseillaise et de l’hymne italien Fratelli d’Italia (jugez sur pièces), la chanson deviendra en 1963 l’hymne de la jeune République algérienne.
Je serais tenté de passer sur la belle histoire qui raconte que le texte fut écrit par Zakaria avec son sang sur les murs de sa prison, si je ne savais combien les mythes, quoiqu’inventés de toutes pièces, sont fondateurs. Après tout, l’Algérie se raconte depuis les accords d’Évian qu’elle a gagné la guerre d’Indépendance, quand militairement le FLN était exsangue, la rébellion éradiquée à Alger, le désert sous contrôle, et le pays prêt à revenir à l’administration française. Mais De Gaulle a calculé qu’avec une démographie plus vivace que celle de l’Hexagone, la France se retrouverait avec un président algérien d’ici quelques décennies. Garder le Sahara pour y faire exploser des bombinettes, et signer des accords sur le gaz était plus important que de préserver les intérêts et les sentiments d’un bon million de Pieds-Noirs.
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Quoi qu’en pensent les descendants de ceux qui choisirent l’exil, et des centaines de victimes des exactions du FLN revirilisé par les accords d’Evian, le Général voyait à long terme — ce que nous avons perdu l’habitude de faire. La Real Politik passe parfois par des injustices noires.
Laissons donc les Algériens (qui comme le raconte Martine Gozlan ont d’autres chats à fouetter, eux qui se sont fait confisquer le Hirak, qui avait fait descendre 14 millions d’entre eux dans les rues en 2019) chanter à nouveau :
« Ô France ! Le temps des palabres est révolu. Nous l’avons clos comme on ferme un livre. Ô France ! Voici venu le jour où il te faut rendre des comptes. Prépare-toi ! Voici notre réponse. Le verdict, notre révolution le rendra. Car nous avons décidé que l’Algérie vivra. Soyez-en témoin ! »
L’historien hausse les épaules. Après tout, la Marseillaise est un chant autrement vindicatif. Mais que cela se chante en Algérie, alors que le pays bénéficie d’un accord, signé en 1968, qui permet au pays d’exfiltrer chez nous préférentiellement des travailleurs immigrés, leurs femmes, leurs enfants, et de continuer à toucher libéralement les retraites des morts payés par l’Etat français — qui est pourtant plus regardant d’habitude quand il s’agit de ses nationaux.
Edouard Philippe, qui soigne sa future candidature aux présidentielles de 2027, a récemment suggéré une révision de cet accord. Très drôle. Que ne l’a-t-il proposé quand il était Premier ministre de Macron ? Que n’a-t-il réagi lorsque Benjamin Stora, cette année, missionné pour recoudre l’amitié franco-Algérienne, s’est fait recouvrir d’injures antisémites par la presse algéroise ?
Cet accord est le prix à payer pour continuer à nous fournir en gaz, ce qui, à un moment où nous avons intelligemment décidé de nous priver de la filière russe, est un élément essentiel de l’approvisionnement énergétique du pays. Nous avons rompu avec Poutine, nous nous rapprochons donc d’un pays qui nous crache au visage dès qu’il en a l’occasion, et exige une réception pharaonique sur les Champs-Elysées si la visite en France d’Abdelmadjid Tebboune, prévue depuis longtemps, se concrétise.
À noter que sur le plan international, l’Algérie se débrouille mieux que nous. Elle s’est rapprochée de Poutine, à qui Abdelmadjid Tebboune a susurré récemment qu’il était « un bienfait pour l’humanité », pendant que nous prenions nos distances, pour complaire aux Allemands, qui s’en fichent, et aux Américains, qui en profitent pour nous fourguer du gaz de schiste au prix fort.
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On ne fait pas une politique étrangère avec de bons sentiments. Nous avons besoin de gaz et de pétrole, tant que nous n’avons pas trouvé un moyen de récupérer le gaz émis par les pets des vaches et des végans. La Russie nous fournissait l’un et l’autre. Pour des raisons soi-disant géostratégiques, nous avons rompu avec le plus grand pays d’Europe, que nous n’invitons plus aux cérémonies du 8 mai, alors que sans les Russkoffs… C’est très intelligent. Nous nous plaignons de la délinquance, du communautarisme, de l’infiltration de l’islamisme en France, nous courbons la tête quand l’hymne français se fait huer au Stade de France par le public d’origine algérienne, afin de continuer à importer du gaz et des voyous. Bien joué.
Mais je me sens libre de demander : qu’aurait fait De Gaulle ? Déjà, aurait-il rejoint le commandement intégré de l’OTAN ?
Nous n’avons pas commis, en Algérie, plus de crimes de guerre que le FLN — et même moins : ce ne sont pas les Français qui ont massacré en détail, et de façon atroce, plus de 200 000 harkis. Nous avons monté là-bas un système de santé performant — aujourd’hui réduit à si peu de choses que Bouteflika venait se faire soigner en France. Nous y avons monté un réseau scolaire remarquable — qui fonctionne si bien que les enfants qui nous arrivent, depuis 1976 et le regroupement familial, sont à peu près analphabètes. Nous y avions instauré une agriculture performante, qui peine aujourd’hui à nourrir la population. Les femmes allaient tête découverte, et elles sont désormais priées de se conformer aux modes wahhabites.
Les Algériens se sont choisis un régime militaire, où le discours anti-français sert de politique à tout faire : pas sûr qu’un pays en état de faillite, où les dividendes des matières premières sont partagés entre les caciques antédiluviens toujours aux commandes, se satisfasse de se nourrir d’invectives et d’imprécations, quand tout manque. Le nationalisme est une viande creuse, quand on n’a pas de garniture sur le couscous. Alors cessons de chercher à plaire à un gouvernement qui durera jusqu’à la mort du dernier survivant du FLN, et si nous avons besoin de gaz, allons le chercher où il est au meilleur prix. Dans dix ans, qui se souviendra de quel côté était tel ou tel pays dans le conflit ukrainien ? Nous n’aimons plus les Russes ? La route du gaz est coupée. Nous avons perdu en Afrique les relations privilégiées que nous avions avec d’anciens pays amis comme la Centrafrique : la route du diamant est coupée. Nous persistons à caresser les roubignolles algériennes tout en nous faisant empapaouter ? La route de l’islamisme est ouverte.