Une tribune libre de Ludovine de La Rochère, présidente de La Manif Pour Tous.
Alors que les chiffres d’une baisse effarante de la natalité en 2022 ont été publiés, l’Assemblée nationale a débattu le 28 février sur ce sujet, mais sans conclure par un vote. Chaque parti y est allé de ses propositions: de la baisse des impôts aux conséquences de l’éco-anxiété, chacun a agité ses constats et ses idées. Même si les intentions sont bonnes, la politique se juge aux actes. Il est temps de réaliser l’ampleur des conséquences sociales ! La baisse significative de la fécondité a des répercussions directes sur nos vies, notre modèle social et la solidarité intergénérationnelle. La viabilité de celle-ci dépend de l’équilibre entre la génération qui débute sa vie, celle qui travaille et celle qui s’est retirée de la vie active. La baisse du nombre de mariages, la hausse du nombre des séparations et divorces, des familles monoparentales et des familles recomposées, créent des situations plus complexes et précaires. Par exemple, une famille sur quatre est une famille monoparentale et, d’après l’INSEE, en 2021, 40,5% des enfants vivant dans une famille monoparentale sont en situation de pauvreté. Cette précarité familiale se retrouve à la fin de la vie. Le vieillissement de la population et la diminution du nombre d’enfants créeront des situations difficiles pour les parents âgés, malades ou en fin de vie. Alors qu’il y avait encore, voici quelques années, plusieurs enfants pour s’occuper d’un parent, il n’y en aura bientôt plus qu’un, voire plus du tout. L’équilibre de la natalité a aussi des conséquences sur notre modèle de répartition. À l’heure de la réforme des retraites, les esprits s’agitent pour contrer la baisse du ratio cotisants/retraités.
Hollande et Macron, adversaires de la famille
Depuis sa création, il y a 10 ans cette année, La Manif Pour Tous dénonce la déconstruction radicale de la politique familiale. Or nous ne pouvons plus vivre sur le crédit de la génération de nos parents qui avait une forte natalité. Comme le dit l’adage : « la démographie, c’est le destin ». De quoi cette baisse de la fécondité est-elle le nom ? Elle est d’abord celui d’un choix politique de François Hollande qui a fait instituer, en 2015, des différences très importantes du montant des allocations familiales suivant les revenus des parents. L’accueil et l’éducation des enfants bénéficient pourtant à toute la société, quel que soit le niveau de vie des parents, et les familles qui s’agrandissent sont toutes impactées financièrement. Ce fut aussi la baisse continue du plafond du quotient familial et, peut-être plus impactant encore, les conditions nouvelles accolées au congé parental, en 2015 aussi: elles ont de facto réduit celui-ci d’une année entière (sur les trois années qu’il compte supposément) pour 96% des familles dont l’un des parents prend un congé parental. Une catastrophe. C’est depuis 2015, justement, que la natalité française a décroché. Mais le ministre François Braun prétendait encore récemment, en répondant à une question du député « Renaissance » Bertrand Sorre, qu’il n’est pas possible d’établir un lien de causalité direct entre le taux de fécondité et le montant d’une prestation familiale ou une réforme en particulier. Un prétexte et un mensonge qui perdurent depuis des années. En réalité, toute l’histoire de la politique familiale atteste du contraire. Jusque-là, Emmanuel Macron n’a rien fait pour y remédier. Au contraire, la réforme des retraites pénalise particulièrement les mères parce qu’elle reporte l’âge minimum de la retraite tout en ne tenant pas compte des trimestres pour enfants. Ainsi, même si elles ont acquis tous leurs trimestres avant 64 ans, les mères n’auront pas de retraite à taux plein si elles n’attendent pas l’âge fatidique. Une aberration ! Alors que le texte est discuté au Sénat, les parlementaires et plus particulièrement la droite, ont les moyens de défendre les mères de famille et ainsi de renouer avec une politique familiale. L’ont-ils âprement négocié en amont avec Elisabeth Borne ? Vont-ils se suffire d’une dérisoire surcote de 5% ou vont-ils réellement défendre les mères ?
Du jamais vu
La natalité reste l’un des angles morts les plus lourds de conséquences de la politique de l’hôte de l’Élysée. Cette baisse est aussi le fruit de la « déconstruction sociale » que notre société subit. L’idéologie woke, l’écologie millénariste, un individualisme revendiqué et sans doute une forme de dépression collective incitent les jeunes à renoncer à la famille. Des médias ne cessent de mettre en valeur des mères « qui regrettent d’avoir eu un enfant », des jeunes filles qui se font ligaturer les trompes, etc.
Le résultat est là, comme en atteste un sondage IFOP pour le magazine Elle de septembre 2022 : 30% des Françaises de 18 à 49 ans ne veulent pas d’enfants. Du jamais vu ! Dévaloriser la maternité et la paternité, délaisser la politique familiale, c’est affaiblir notre modèle social. La famille devrait être mise en valeur et encouragée car elle reste le lieu d’accueil et d’éducation des enfants, et le premier lieu de solidarité entre les générations. L’État-providence n’a ni la capacité, ni les moyens de remplacer la famille. Au-delà même des enjeux économiques, une natalité dynamique fortifie les familles comme lieu de solidarité. Nous en faisons tous l’expérience dans nos vies, comme l’ont montré les confinements. À l’inverse, l’effritement de la natalité impactera nos vies quotidiennement. L’actuelle réforme des retraites est symptomatique du mauvais traitement infligé aux familles. Pourtant, faire des enfants n’aura-t-il pas un impact beaucoup plus important pour la société que la prise en compte de quelques trimestres pour enfant acquis par les mères ? Pour parvenir au moins à l’équilibre, il est nécessaire de considérer la natalité (et donc la maternité) comme une urgence sociale, et d’orienter les décisions politiques en fonction de celle-ci… et, hic et nunc, de revoir la réforme des retraites.
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