Évaporées les querelles entre gauche et droite, Assemblée et Sénat. L’intérêt commun des vendeurs d’alcool a fédéré les parlementaires dans un but clair : plomber la loi Evin qui tentait de limiter la puissante incitation de la publicité à faire consommer davantage la population. Un amendement passager clandestin de la loi Macron s’est en effet dissimulé dans ce grand fourre-tout législatif, qui sera peut-être officialisé après un nouvel usage du 49-3.
Avec l’amendement proposé, les moyens licites d’évocation publicitaire, jusqu’ici limités, vont pouvoir s’étendre afin d’appeler encore davantage à la consommation d’alcool. La contestation judiciaire par les associations qui veillent à la santé publique va devenir impossible. Lesdites associations devront prouver que la consommation a augmenté après la parution de telle pub, qu’il y a un lien d’intérêt financier prouvable entre, par exemple, un journaliste et une annonce alcoolophile. Ou qu’un consommateur « d’attention moyenne » a perçu une intention publicitaire dans une photo montrant dans une revue de mode des people qui picolent joyeusement. Leurs avocats vont s’émousser les dents.
Les limitations légales aujourd’hui en vigueur seront donc repoussées au profit d’un flou artistique autorisant une infinité d’évocations que le talent des publicitaires mettra efficacement à profit. Claude Evin l’explique mieux que moi. Le vin, la bière, les alcools ont de multiples avantages. Mais aussi un redoutable inconvénient en terme de santé individuelle et publique : ils contiennent tous de l’éthanol, à la fois bonne fée et sorcière. Les fabricants ne sachant pas l’extraire, cette substance va contaminer et droguer de façon permanente environ un dixième des gens qui en consomment.
Je n’ai même pas évoqué le respect des personnes, l’humanisme élémentaire, les droits de l’homme, la liberté plutôt que l’esclavage de l’alcoolique et de son entourage, toutes ces fadaises et vieilleries négligeables, qui risquent d’être sommées de saluer, bien bas, la procession mercantile qui passe.
*Photo : Pixabay.
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