«Beuvez toujours, ne mourrez jamais»


«Beuvez toujours, ne mourrez jamais»

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Inutile de le nier : la viticulture productiviste a long- temps privilégié ces gros rouges qui tachent dont s’abreuvait un prolétariat qui n’avait pas soif que de justice sociale. On sait combien les pouvoirs publics, les services de santé et les milieux viticoles eux-mêmes ont eu du mal à éradiquer ce fléau. Curieusement, c’est lorsqu’il fut acquis que la consommation de vin ne constituait plus un danger pour la société que la loi Évin a été adoptée – le 13 décembre 1990. Si cette loi a aidé efficacement à combattre le tabagisme dans les lieux publics, elle n’aura eu que des effets négatifs sur la viticulture française, sans contribuer en quoi que ce soit à la juste lutte contre l’alcoolisme.  Forgée dans l’airain du puritanisme par le lobby hygiéno-moraliste, la loi Évin interdit en effet toute forme de communication à caractère commercial sur le vin, privant ainsi l’un des fers de lance de notre commerce extérieur des moyens de promotion essentiels à sa survie.

Or, de nos jours, le vin tue infiniment moins que la voiture, le tabac, la pollution et, surtout, la malbouffe. [access capability= »lire_inedits »]En faire une consommation excessive est dangereux, comme pour toute boisson alcoolisée, mais si on le consomme avec modération, certaines des molécules organiques végétales qu’il contient, tels le resvératrol ou la procyanidine, sont un bienfait pour l’homme. Tous les cancérologues et les cardiologues le confirment : à part quelques crétins obsédés par la subsistance de clichés éculés, plus personne n’oserait affirmer que le chinon, le morgon et le jurançon blessent, que le gaillac, le pauillac et le bergerac abîment, que le cornas, le juliénas et le gigondas dégradent ou que le vouvray, le volnay et le valençay tuent. Ce qui tue, de nos jours, ce sont les produits trop gras, trop sucrés, trop salés contenus dans une alimentation dont les intrants chimiques rongent peu à peu nos organismes pour nous conduire à la mort avec la bénédiction financière de la publicité et de la grande distribution.

Mais voilà, le vigneron qui presse sa vendange cueillie à la main réjouit le cœur de l’homme mais n’a pas le droit de le dire, contrairement à l’industriel qui presse son huile de palme pour inoculer son poison hydrogéné chocolaté dans le corps de nos enfants pour en faire des diabétiques ou des futurs cancéreux. Il n’est pas, lui, réduit au silence par une loi Évin.

Cessons de diaboliser le vin par des réglementations imbéciles. Que la France cesse de pousser ses chariots remplis de premix soda-rhum-whisky- vodka de marques internationales qui déchirent tous les samedis soirs notre jeunesse : mieux vaut que celle-ci se remette à boire un petit coup de rouge quotidien. Les Romains considéraient à juste titre que la civilisation s’arrêtait aux limites géographiques de la vigne. J’ai toujours considéré que ceux qui ne boivent jamais de vin ont, en effet, quelque chose de barbare. « Beuvez toujours, ne mourrez jamais », disait François Rabelais. Trinquons, citoyens, à la mémoire du premier humaniste français.[/access]

*Image : Soleil.

Avril 2014 #12

Article extrait du Magazine Causeur



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