Connu pour ses romans noirs adaptés au cinéma par Michel Audiard, le grand écrivain Albert Simonin (1905-1980) était injustement tombé en désuétude. La réédition de sa trilogie du Hotu remet à l’honneur ce virtuose de l’argot, chantre de la pègre parisienne.
En l’espace de quatre ans, entre 1968 et 1971, Albert Simonin publie à la Série noire les trois romans qui forment la trilogie dite du Hotu : Le Hotu, Le Hotu s’affranchit et Hotu soit qui mal y pense. Ils sont réunis aujourd’hui, en un seul volume, par La Manufacture de livres. L’entreprise est bienvenue et elle est aussi courageuse pour plusieurs raisons. D’abord Albert Simonin est bien oublié malgré la célébrité de son nom jusque dans les années 1970. Ensuite les valeurs véhiculées par ces trois romans ne sont vraiment plus de saison. Il y est, par exemple, beaucoup question de prostitution. Pour Simonin, c’est une activité économique banale qui se déroule dans des conditions généralement satisfaisantes, voire plaisantes. Elle est même régulièrement comparée par les gisquettes qui arpentent l’asphalte au travail en usine qu’elles trouvent, pour le coup, beaucoup plus aliénant.
Le père fondateur du « roman de truands à la française »
Ensuite, avec Le Hotu, le lecteur passe sa vie dans le milieu, présenté comme une contre-société autonome qui obéit à des codes très supérieurs à ceux en vigueur chez les « caves » et les « pantes », moins respectueux de l’honneur que les truands. Ce n’est pas un hasard, d’ailleurs, si Albert Simonin est considéré comme le père fondateur du « roman de truands à la française » qui montre le milieu comme une version modernisée du roman de chevalerie ou du western. Dans les années 1970, cette héroïsation du voyou romantique a agacé Jean-Patrick Manchette, avec raison. C’était au moment où apparaissait le néopolar dont il est une des plus grandes plumes avec Vautrin, Fajardie, Jonquet ou Prudon. Ils ont fait du roman noir une arme de critique sociale, en y introduisant les cités de banlieue, les nouveaux visages de la criminalité et tous les sujets qui travaillent l’époque : le racisme, le terrorisme, la crise économique.
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Simonin est alors ringardisé et les histoires de truand à la papa avec Gabin ou Ventura qui meurent à la dernière bobine prennent alors un sacré coup de vieux. Il faudrait néanmoins nuancer. Cette célébration caricaturale n’est pas le fait de Simonin, mais d’innombrables épigones et imitateurs qui ont encombré les tourniquets de la littérature de gare jusque dans les années 1980. Lui se montre beaucoup plus lucide dans sa trilogie du Hotu et dans celle qui l’a rendu célèbre dès les années 1950, la trilogie de Max le Menteur, dite aussi trilogie du Grisbi : les truands n’y sont pas des surhommes, ils peuvent même être des salauds et pas seulement quand ils sont indics de la maison poulaga.
Il est cependant vrai que les trois romans du Hotu rassemblés dans cette réédition ne portent en eux aucun message : ils ne dénoncent rien et se contentent de rendre compte. Simonin
