Juppé perdant? Pas si sûr…


Juppé perdant? Pas si sûr…

alain juppe jean rene lecerf

Je ne sais pas, comme le dit Benoît Rayski,  si Alain Juppé et François Bayrou sont les grands perdants des départementales. Ce que je sais en revanche, c’est que la dernière semaine de la campagne de Nicolas Sarkozy pour ces départementales a été pour le moins brutale. Chassez le Buisson par la porte, il revient par la fenêtre. De fait, pour la petite partie des Français qui a suivi les élections, -n’oublions jamais que l’abstention atteint des scores catastrophiques pour un scrutin que tout le monde a voulu transformer en referendum pour ou contre Hollande-, les déclarations fracassantes de Nicolas Sarkozy sur les menus hallal dans les cantines ont surnagé.

Que les départements soient un bouclier social qui fait bien ou mal son travail, finalement, tout cela a été assez peu évoqué. Pourtant, du RSA aux collèges, en passant par la petite enfance, les handicapés, les personnes âgées, on aurait pu espérer que Sarkozy profite de l’occasion pour dire ce qu’il pense de ces « départements-providence ». Mais il semble décidément que la vision sarkozyste soit la même qu’en 2012. L’insécurité identitaire et l’insécurité tout court demeureraient les principales préoccupations des Français même si eux ne le savent pas et que les enquêtes d’opinion, les unes après les autres, placent le chômage ou le pouvoir d’achat en tête des préoccupations. Il faut donc croire que Nicolas Sarkozy et les sarkozystes connaissent mieux les angoisses des Français que les Français eux-mêmes. On ne dira pas pour autant que Juppé ou Bayrou seraient, eux, des défenseurs acharnés de ces préoccupations mais ils ont sans doute compris que jouer avec la peur dans un pays au bord de la crise de nerfs ou de la dépression (l’abstention est un comportement typiquement dépressif) n’est pas la meilleure des choses.

Je ne sais pas non plus quelles furent les réactions de Juppé et Bayrou au vu des résultats. La captation de la victoire par Nicolas Sarkozy, qui s’est instantanément retransformé vers 20 heures en champion de la droite et du centre, a dû cependant les agacer. Parce qu’au bout du compte, Nicolas Sarkozy représente sans doute tout ce que vous voulez mais pas le centre. Au sein même de l’UMP, les tiraillements sont anciens entre ces deux lignes, une très à droite et une autre très centriste. Si je prends par exemple mon nouveau conseiller départemental, Jean-René Lecerf, challenger UMP de Martine Aubry à la mairie de Lille, je n’ai pas l’impression qu’il soit sarkozyste – mais alors pas du tout.

Cet élégant sénateur sexa, par exemple, doit passer aux yeux de l’ancien Président pour un affreux partisan de la culture de l’excuse sur les questions relatives à la justice et à la sécurité. Dès 2009, Lecerf se prononce pour la prévention plutôt que pour la répression en matière de récidive et, horreur, en 2014, il se déclare à « 90% en accord »  avec le projet de réforme pénale de la loi Taubira sans compter au mois de novembre dernier, car décidément ce monsieur ose tout, la présentation d’un rapport avec Esther Benbassa sur l’intégration.

Un bobo de droite, me direz-vous? Pas vraiment, quand on connaît sa terre d’élection, Marcq-en-Bareuil qui est essentiellement peuplée de familles Le Quesnoy, pas franchement portées sur la punkitude chic. Alors quoi? Alors Jean-René Lecerf, qui a, répétons-le, gagné au premier tour, représente tout simplement cette droite old school, démocrate-chrétienne et gaulliste à la fois,  qui croit à la construction européenne, au progrès social et au libéralisme tempéré. Bref, un genre de Juppé local, ou de Bayrou si vous y tenez. Et comme Juppé et Bayrou, et contrairement à Sarkozy, il a compris que ce que l’on gagnait sur sa droite (et de quelle droite parle-t-on face à des électeurs FN qui viennent souvent de terres communistes), on le perdait sur le centre. Bref, de cette droite qui pense, avec raison me semble-t-il, que dans l’hypothèse un deuxième tour en 2017 entre un candidat UMP et Marine Le Pen, si on veut attirer les voix du centre mais aussi celle de socialistes déboussolés, il vaudra mieux s’appeler Juppé que Sarkozy pour rassembler deux français sur trois, comme disait Giscard, et avec une participation digne de ce nom pour assurer une vraie légitimité.

*Photo : Ugo Amez/SIPA. 00709370_000013.



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