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Frères d’âme

Le billet de Dominique Labarrière


Frères d’âme
Alain Juppé. D.R.

Alain Juppé a osé se demander si l’islam était bien compatible avec notre République. À gauche, certains y voient de l’“islamophobie”, quand le commentateur woke Jean-Michel Apathie qualifie carrément l’ancien Premier ministre d’ « effrayant ». « Est-ce qu’il y a une forme d’islam qui est compatible avec la République ? Je veux encore le croire. Parce que si la réponse est non à cette question, cela veut dire qu’il y a 4 à 5 millions de Français musulmans qui n’ont pas la place chez nous. Et on ne peut pas l’accepter », avait déclaré Alain Juppé, dimanche, sur Radio J.


À la vigne, nous allons entrer ces jours-ci dans la période des vendanges tardives. Il semblerait que, prodige de l’année, on ait désormais à savourer un cru Juppé. L’ancien Premier ministre, reconverti en super sage du Conseil Constitutionnel, vient en effet de confesser au détour d’une interview qu’il lui arrivait à présent de se poser la question de savoir si l’islam était ou non compatible avec la République. Mieux vaut tard que jamais, se félicitera-t-on. Tout de même, on ne peut s’empêcher de penser que chez un personnage de ce calibre, ayant exercé les responsabilités locales, nationales au plus haut niveau et si longtemps, le commencement de la lucidité se sera fait attendre quelque chose comme une éternité. La maturation aura été lente, très lente. Vendanges tardives, vous disais-je. Mais le résultat est là. Celui qu’un autre haut dignitaire du sérail désignait comme «  le meilleur d’entre nous » en arrive, en bout de carrière, après – allez savoir ? – trois ou quatre décennies d’intense réflexion, à se poser enfin une bonne question, à regarder la réalité en face. Réjouissons-nous. Cependant, n’allons pas en déduire pour autant que le Juppé nouveau est arrivé. Bien vite le naturel revient au galop et à peine a-t-on esquissé les contours du problème qu’on s’empresse de se défiler quant à apporter la solution. On se hâte de refiler à d’autres la patate chaude. Selon Monsieur Juppé, l’initiative de la réponse à son questionnement lumineux incomberait aux institutions et aux représentants de ladite religion eux-mêmes. Ce sont eux qui devraient dire s’il y a compatibilité ou pas. On peut rêver. Monsieur Juppé ne s’en prive pas, apparemment. Nous risquons de devoir attendre longtemps, très longtemps qu’une esquisse de réponse nous parvienne. Une ou deux générations, trois peut-être. En espérant que la question soit encore d’actualité et que la République, ses valeurs, ses caciques à cerveau lent et les autres n’aient pas été précipités entre-temps dans les poubelles de l’histoire. Au lieu de cela, on aurait aimé que vienne à l’esprit si fin de Monsieur l’ancien Premier ministre une autre idée mirobolante. Il aurait pu en effet se mettre à penser et à parler en homme d’État, en homme d’État de bonne facture, en affirmant, par exemple, que compte tenu de ce que nous subissons de drames ces derniers temps, il revenait à l’État, et à son chef en premier lieu, non pas d’attendre mais d’exiger – oui exiger – que les instances de la religion concernée s’expriment sur le sujet. Les mettre au pied du mur. Comme l’a si bien fait un certain Napoléon avec les juifs en février 1807. Il convoqua et réunit durant un mois des personnalités juives représentatives désignées par les préfets et les grands rabbins en exigeant d’eux – nous disons bien en exigeant – des réponses, claires et départies de toute ambiguïté à une série de questions, elles aussi claires et sans ambiguïté. Parmi ces questions, celle-ci qui, me semble-t-il, pourrait être proposée aujourd’hui à l’identique, à la virgule près, aux tenants de l’Islam : « Les Juifs nés en France et traités par la loi comme citoyens français regardent-ils la France comme leur patrie ? Ont-ils l’obligation de la défendre ? Sont-ils obligés d’obéir aux lois et de suivre les dispositions du Code Civil ?

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La réponse, unanime, précise, nette, et – oserais-je ajouter, magnifique ! – ne s’est pas fait attendre : « La France est notre patrie, les Français sont nos frères. Les Juifs sont prêts à défendre la France jusqu’à la mort. » Par ailleurs, il est précisé que le rôle du rabbin consiste à «  rappeler en toutes circonstances l’obéissance aux lois (françaises) notamment et en particulier celles relatives à la défense de la patrie. »

Il suffit de se reporter aux registres des Juifs morts pour la France lors des deux conflits mondiaux pour constater avec quelle dignité, quelle rigueur la parole donnée a été tenue.

Alors, ces jours-ci, il me semble essentiel, nécessaire, impératif même, de reprendre quelques mots de la réponse apportée et de les retourner. Il y est dit «  Les Français sont nos frères ». À nous, aujourd’hui – aujourd’hui plus que jamais – de clamer : « Les Juifs sont nos frères ». 

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Ex-prof de philo, auteur, conférencier, chroniqueur. Dernière parution : « Moi, papesse Jeanne », éditions Scriptus Malvas

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