Accueil Édition Abonné Décembre 2017 Alain Finkielkraut: « Je souffre de voir Renaud Camus s’égarer de cette manière »

Alain Finkielkraut: « Je souffre de voir Renaud Camus s’égarer de cette manière »


Alain Finkielkraut: « Je souffre de voir Renaud Camus s’égarer de cette manière »
Alain Finkielkraut, 2017. Photo: Hannah Assouline

Les analogies funestes de Renaud Camus 

Après l’instauration en 1976 du regroupement familial, l’immigration a changé de nature et la France a changé de visage. L’immigration de peuplement a succédé à l’immigration de travail et, comme l’a écrit Élisabeth Badinter sur la foi des témoignages édifiants et terrifiants collectés par Georges Bensoussan dans Une France soumise : « Une seconde société tente de s’imposer insidieusement au sein de notre République, tournant le dos à celle-ci, visant explicitement le séparatisme, voire la sécession. » Renaud Camus fait le même constat. C’est un crève-cœur pour lui de savoir que tant de Français vivent à Saint-Denis, à Sevran, à La Courneuve, à Lunel et à Tourcoing et même dans certains quartiers de Paris, comme dans une terre étrangère. Mais au moment de nommer les choses, il succombe, comme les idéologues qu’il combat, au démon de l’analogie. Les antifascistes invoquent les années noires pour mieux nier ce qui survient. Lui s’y réfère pour en faire sentir l’énormité et l’horreur. Il proteste contre l’Occupation, il fustige la Collaboration, il appelle à la Résistance. C’est là que je me sépare radicalement de lui. Comme je l’ai écrit dans ma dispute avec Élisabeth de Fontenay, si l’on veut éviter de verser dans l’inhumain, il faut se garder comme de la peste de toute comparaison avec les sombres temps du XXe siècle et s’efforcer de penser le présent dans ses propres termes : l’exactitude, encore et toujours.

Cet argument, je l’ai développé devant Renaud Camus lui-même dans mon émission « Répliques ». Il était opposé à Hervé Le Bras. Parler d’Occupation, lui ai-je dit en substance, c’est considérer tout Arabe et tout Africain croisé dans la rue comme un envahisseur : « Vous dites que la haine est un sentiment qui vous est étranger, mais votre analogie dément cette belle proclamation car, comme l’écrit Albert Camus dans une allocution prononcée au cours d’une réunion organisée par l’Amitié française, salle de la Mutualité, le 15 mars 1945, “pendant quatre ans, tous les matins, chaque Français recevait sa ration de haine et son soufflet. C’était le moment où il ouvrait le journal.” Le mot d’Occupation suscite l’image du nazisme, et qu’y avait-il de plus légitime, de plus nécessaire, de plus salutaire, même, que de haïr les nazis ? » Renaud Camus est resté sourd à cette objection.

Il a même, depuis lors, augmenté son analogie d’un quatrième terme. Après l’Occupation, la Collaboration, la Résistance, voici maintenant le génocide. « Le génocide des Juifs était sans doute plus criminel, mais paraît tout de même un peu petit bras auprès du remplacisme global », a-t-il tweeté. Avec ce mot, le lien que la pensée de Renaud Camus entretient encore avec la réalité, se rompt. Le génocide, c’est la destruction physique d’un peuple. Le génocide hitlérien, c’est la mise à mort industrielle des Juifs et des Tziganes. Rien de tel ne menace ces temps-ci l’Europe. Ceux-là mêmes qui, tel Youssef al-Qaradawi, veulent explicitement islamiser l’Europe, ne souhaitent pas l’extermination des infidèles, mais leur conversion, ou, pour reprendre le mot de Houellebecq, leur « soumission ». Quant au « remplacisme global », que Renaud Camus voit à


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Décembre 2017 - #52

Article extrait du Magazine Causeur




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Alain Finkielkraut est philosophe et écrivain. Dernier livre paru : "A la première personne" (Gallimard).

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