Accueil Édition Abonné Finkielkraut: « C’est parce que je suis de gauche que je ne suis plus de gauche »

Finkielkraut: « C’est parce que je suis de gauche que je ne suis plus de gauche »


Finkielkraut: « C’est parce que je suis de gauche que je ne suis plus de gauche »
Alain Finkielkraut, 2017. Photo: Hannah Assouline

Les polémiques mémorielles (10 septembre)

Dans Le Spectateur engagé, Raymond Aron évoque une conversation avec Sartre au lendemain de la Libération : « Nous nous sommes posés la question : pourquoi n’y a-t-il pas eu un seul article, un seul, qui ait écrit : Bienvenue aux Juifs de retour dans la communauté française ? Pas même un article de Mauriac. » Mauriac avait pourtant vu sous l’Occupation les wagons emplis d’enfants juifs arrachés à leur mère. Et quand il avoua, quelques années plus tard, l’impossibilité pour lui de se débarrasser de cette vision à Elie Wiesel, celui-ci répondit simplement : « Je suis l’un d’eux. » D’où la belle préface de Mauriac à La Nuit. Mais en 1945, la France avait d’autres chats à fouetter. Le 11 novembre de cette année-là, quinze dépouilles mortelles étaient réunies autour de la flamme du Soldat inconnu : deux résistants de l’intérieur, un homme et une femme ; deux déportés, un homme et une femme – des combattants et non des « déportés raciaux » ; un prisonnier abattu lors d’une évasion ; un FFI et enfin, neuf militaires des différentes armées et théâtres d’opérations. Le déporté résistant était un héros, le « déporté racial », comme on disait alors, une victime.

A lire aussi: Le Monde compare « l’hystérique » Finkielkraut au complotiste Kassovitz

Au sortir de la guerre, on pouvait plaindre les victimes, mais on célébrait les héros. Et l’heure, pour la France, ne pouvait pas être à l’examen de conscience. La France avait gagné la guerre, elle se rangeait tout entière dans le camp des vainqueurs : « Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé, mais Paris libéré, libéré par lui-même, libéré par son peuple avec le concours des armées de la France, avec le concours et l’appui de la France entière, de la France qui se bat, de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle », avait déclaré le Général de Gaulle à Notre-Dame, le 25 août 1944. Et, à Georges Bidault qui, le même jour, lui proposait de proclamer solennellement la République devant le peuple rassemblé, de Gaulle fit cette réponse cinglante : « La République n’a jamais cessé d’être. La France libre, la France combattante, le Comité français de la libération nationale, l’ont tour à tour incorporée, Vichy fut toujours et demeure nul et non avenu. Moi-même, je suis le président du gouvernement de la République, pourquoi irais-je la proclamer ? »

Cette condescendance pour ceux qui ne doivent pas leur déportation à leur engagement et ce grand mythe national n’ont pas résisté au travail de la mémoire. La victime a été restaurée dans sa dignité et l’illégitimité de Vichy ne dispense plus la France de tout questionnement sur elle-même. Il faut s’en réjouir. Mais, en disant, le 16 juillet 1995, qu’avec la rafle du Vel d’Hiv’, la France avait commis l’irréparable, Jacques Chirac a renversé l’affirmation du Général de Gaulle au lieu de la problématiser. Il est


Article réservé aux abonnés
Pour lire la suite de cet article et accéder à l'intégralité de nos contenus
Formule numérique dès 3,80€
Déjà abonné(e)  ? Identifiez-vous

Octobre 2017 - #50

Article extrait du Magazine Causeur




Article précédent Adieu Rochefort!
Article suivant Mélenchon, le « coco » ivre
Alain Finkielkraut est philosophe et écrivain. Dernier livre paru : "A la première personne" (Gallimard).

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération