L’esprit de l’escalier
La France du soupçon
Un grand nombre d’intellectuels et d’éditorialistes de droite, de gauche ou d’extrême gauche ont perçu le long confinement dont nous venons de sortir comme une confiscation des libertés. À la faveur de cette épidémie, ont-ils dit, le pouvoir a cédé à ses penchants despotiques ou disciplinaires et il a testé la docilité des citoyens. Je m’inscris, une nouvelle fois, en faux contre cette interprétation. Nous, les confinés, ne nous sommes pas montrés moutonniers, nous n’avons pas obéi à une contrainte, nous avons fait acte de responsabilité. Nous avons pris sur nous pour nous protéger, pour protéger les autres, pour participer à un effort collectif de lutte contre la pandémie. Nous savions bien que les libertés de mouvement, de réunion et de manifestation n’étaient suspendues qu’à titre provisoire. Elles allaient rouvrir, comme les cafés et les restaurants. Face à l’événement, nous n’étions pas des enfants malléables à souhait, mais des adultes conscients qui appliquions avec les gestes barrières, et ce qu’on appelle désormais la « distanciation sociale », le premier principe de toute morale digne de ce nom : ne pas nuire. Et puis, à la différence de ce qu’il se passe dans les États autoritaires qui criminalisent les voix dissidentes comme le fait la Chine, en ce moment même à Hong Kong, la liberté d’expression n’a pas un instant été remise en cause. Elle s’est déployée et même déchaînée sans la moindre retenue. Tout au long de la crise, le gouvernement et le président de la République n’ont pas seulement été critiqués pour leur mauvaise gestion, ils ont été menacés de poursuites, insultés, traînés dans la boue, à la télévision comme sur les réseaux sociaux. Et cette contestation a quelque chose de spécifiquement français.
Il y a en Michel Onfray une violence qui me fait de plus en plus peur…
De tous les peuples européens, le nôtre se montre et de loin le plus défiant à l’égard de ses représentants. 66 % des Français estiment que l’exécutif n’a pas été à la hauteur, 75 % pensent que le gouvernement n’a pas dit la vérité, 79 % qu’il n’a pas pris les bonnes décisions, alors que 61 % des Britanniques se rangent derrière Boris Johnson dont la politique a pourtant été fluctuante. Le 9 mars, il se targuait encore d’être allé dans un hôpital et d’avoir serré la main à tous les malades. En Italie et en Espagne, le sentiment majoritaire, c’est que les
