Akif Perincçi, tête de Turc chez Merkel


Akif Perincçi, tête de Turc chez Merkel

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Un scandale d’ampleur nationale a été provoqué, en Allemagne, par le discours prononcé, le 19 octobre, à Dresde, par l’écrivain allemand d’origine turque Akif Perinncçi devant 15 000 sympathisants du mouvement anti-islamiste Pegida[1. Acronyme allemand de «  Patriotes européens contre l’islamisation de l’Occident »], réunis pour fêter le premier anniversaire de leur apparition sur la scène politique d’outre Rhin.

Cette manifestation s’inscrivait dans un contexte où l’arrivée massive de migrants et réfugiés en Allemagne, encouragée par la chancelière Angela Merkel, provoque une polémique très vive. Celle-ci oppose les partisans de l’accueil à bras ouvert de ces migrants – la gauche, la CDU « merkelienne », les principaux médias – et ceux qui s’inquiètent de l’arrivée massive, sur le sol allemand, de ressortissants de pays musulmans, facteurs, selon eux, de déstabilisation d’une société fondée sur des valeurs et des modes de comportement social issus du christianisme. Cette mouvance s’étend des chrétiens sociaux bavarois (CSU) jusqu’à la droite extrême et aux groupuscules néo-nazis. Elle est particulièrement active sur le territoire de l’ex-RDA, notamment à Dresde, capitale de la Saxe, berceau du mouvement Pegida.

Akif Perinnçci, la veille du rassemblement de Dresde, avait prévenu sur son blog : son discours allait « décoiffer », mettant très haut la barre dans le genre «  Wutrede » (discours de colère) dans l’Allemagne d’aujourd’hui. Objectif atteint, et au-delà des espérances de l’orateur !Pendant vingt-cinq minutes, devant une foule d’abord séduite, puis manifestant, pour une partie d’entre elle, son malaise et sa désapprobation, il a tiré à l’arme rhétorique lourde contre l’Islam, les islamistes, les migrants, et les élites politiques et médiatiques qui leur déroulent le tapis rouge. Les migrants ? «  Des envahisseurs ! ». Les musulmans ? « Ils ne cherchent qu’à transfuser aux incroyants leur sang islamique ». Les politiciens au pouvoir ?  « Des Gauleiter[2. Chef local nazi nommé par Hitler pour administrer une province.] opposés à leur peuple ». Les Verts ? «  Un parti de baiseurs d’enfants ». Le summum de la provocation verbale fut la mise en cause d’un responsable politique CDU du Land de Hesse, qui avait récemment répondu à un contradicteur que ceux qui ne partageaient pas, sur la question  des migrants, les valeurs défendues par la chancelière pouvaient «  quitter l’Allemagne ».  «  Il y aurait bien une autre solution pour eux » raille Perincçi, mais, malheureusement les camps de concentration (KZ en allemand) sont actuellement hors service ! » Dans un premier temps, en Allemagne comme en France, on a interprété comme un appel à mettre les migrants dans des camps de concentration cette vanne, certes lourdingue, et déplacée, insinuant que les responsables politiques allemands d’aujourd’hui pourraient bien rouvrir Dachau ou Buchenwald pour y enfermer ceux qui critiquent leur politique migratoire.

L’émotion provoquée en Allemagne par cette diatribe est d’autant plus grande qu’elle ne vient pas de là où elle était attendue, les néo-nazis et autres incendiaires de foyers de réfugiés. Akif Perinncçi, né en 1959 à Istanbul, est arrivé  à l’âge de dix ans en Allemagne, avec ses parents. Bon élève au lycée, il obtient l’abitur (baccalauréat), et fait paraître un premier roman en 1980. Le succès, la notoriété et l’argent lui viendront, en 1989, avec la publication, chez le grand éditeur Bertelsmann, d’un roman policier Felidae, où celui qui résout l’énigme criminelle est un chat. Cet ouvrage, vendu à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires dans sa version allemande, a été traduit dans dix-sept langues. Perincçi est donc l’un des très peu nombreux immigrés turcs de la deuxième génération à s’être taillé une place en vue dans la république allemande des Lettres. Sa parole est d’autant plus écoutée qu’elle témoigne d’une toute nouvelle, et rare, utilisation de la langue de Goethe par un écrivain d’origine ethnique et culturelle non-germanique.

À partir de 2010, il délaisse la fiction pour publier des essais, et des articles relatifs aux questions politiques et sociétales dans son pays d’adoption. Il se situe sans complexe dans une mouvance ultra-conservatrice, antireligieuse, fustigeant aussi le «compassionisme» chrétien que l’islamisme radical destructeur. C’est, dans le contexte allemand, une prose qui serait un mélange d’Eric Zemmour, de Renaud Camus, voire de Richard Millet agrémentée d’éructations stylistiques du genre de celles de Marc-Edouard Nabe. Le titre de son dernier pamphlet, paru en 2012, L’Allemagne déboussolée.  propos du culte insensé des femmes, des homosexuels et des migrants, donne le ton de son propos. Ce livre est resté plusieurs semaines dans la liste des meilleures ventes publiée chaque semaine dans les grands hebdomadaires d’outre Rhin.

Face au scandale provoqué à Dresde, ses divers éditeurs ont retiré ses ouvrages de leurs catalogues, ce qui devrait, en toute logique faire monter la cote des livres de Perincçi encore en circulation.

*Photo: Sipa. Numéro de reportage : AP21809852_000003.



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