Accueil Édition Abonné Le cannabis sauvera-t-il la Creuse?

Le cannabis sauvera-t-il la Creuse?

Reportage autour du plan particulier pour la Creuse


Le cannabis sauvera-t-il la Creuse?
Jouany Chatoux et Jérémy Gaillard dans leur champ de cannabis CBD, Pigerolles, septembre 2019. Photo : Emma Rebato.

Pour dynamiser la Creuse, l’Etat a lancé un plan particulier de 80 millions d’euros. Objectif : soutenir les entreprises de ce département vieillissant miné par la crise de l’élevage. Mais en dehors du cannabis thérapeutique, on y trouve peu d’idées neuves. Reportage.


Au bord de l’étang de la Courtille, un drone Phantom 4 pro contemple le paysage. Son propriétaire, Anthony Louis, 25 ans, décrit sa réussite professionnelle avec un grand sourire. « J’en vis confortablement. Au bout de six mois d’activité, j’arrivais déjà à me dégager des revenus. Et comme la Creuse est classée zone rurale à revitaliser, je suis exonéré à 100 % d’impôts sur les entreprises pendant cinq ans. » Le bureau qu’il occupe ne se situe ni à La Défense ni dans la Silicon Valley, mais dans l’enceinte du pôle domotique de Guéret. Une start-up voisine, Carcidiag, s’est taillé une renommée planétaire grâce à sa technique de détection des cellules précancéreuses.

« L’agriculture est l’activité typique d’une économie du Tiers-monde »

Guéret, 13 000 habitants, a tous les signes extérieurs d’une préfecture sans âme. Le tribunal, la maison d’arrêt et les bâtiments administratifs peinent à rompre la torpeur de ce gros bourg hésitant entre la ville et la campagne. On plaint les 600 étudiants assignés à résidence. Comme tant de nos villes moyennes, Guéret souffre d’un hypercentre piéton déserté par les petits commerces. N’étaient trois kebabs et deux bars, l’extinction des feux n’attendrait pas le coucher du soleil.

Dans ce marasme, Anthony garde le triomphe modeste. Son entreprise individuelle, Drone Aquitaine, est née sous les meilleurs auspices : 60 000 euros investis, dont près de la moitié obtenus en un seul rendez-vous au Crédit agricole. Depuis ses débuts en février 2018, son carnet de commandes ne désemplit pas, du tournage audiovisuel à l’inspection des collèges, lycées et éoliennes en vue de leur entretien. Comme un bonheur n’arrive jamais seul, le jeune homme a suscité l’intérêt de Gilles Beauchoux, président de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de la Creuse, mordu de drones.

athrony louis drone aquitaine creuse
Anthony Louis, Guéret, septembre 2019. Photo : Emma Rebato.

Quelques mois après le démarrage de Drone Aquitaine, il proposait ainsi à Anthony Louis de participer au Plan particulier pour la Creuse (PPC) lancé par l’État. Ce vaste « plan global de revitalisation » vise à dynamiser un des départements les plus pauvres de l’Hexagone, en décrue démographique continue depuis un siècle et demi. L’ambition affichée de ce plan Marshall est de faire de la Creuse un département-pilote avant d’étendre l’expérience aux autres départements « hyper-ruraux ». L’expression sied parfaitement aux 75 % de Creusois qui habitent une commune de moins de 500 habitants.

À regarder les chiffres, il y a le feu au lac de Vassivière : la Creuse compte 118 000 habitants (contre 287 000 en 1850), dont 35 % dépassent les 60 ans et 20 % vivent sous le seuil de pauvreté. Dans ses rapports, l’Insee s’inquiète du poids disproportionné des emplois agricoles (12 %) et non marchands (40 %). Bref, une « économie surtout présentielle », c’est-à-dire destinée au marché local. De son bureau parisien, le sénateur (PS) Éric Jeansannetas m’avait prévenu : « L’agriculture est l’activité typique d’une économie du Tiers-monde : la Creuse a traditionnellement une production de matière première, mais sans aucune valorisation sur le territoire… »

A lire aussi : « L’agriculture s’est complètement affranchie de la nature »

Est-ce ainsi que les Creusois vivent ? Avant même la crise des gilets jaunes, Emmanuel Macron avait senti le vent du boulet. Son cauchemar porte un nom : GM&S La Souterraine (voir encadré). En visite dans la Corrèze voisine le 4 octobre 2017, le président affronte un comité d’accueil inattendu : élus locaux et responsables syndicaux de l’usine GM&S, en plein plan social, l’invectivent sous les gaz lacrymogènes. Macron lâche alors une bombe incendiaire : « Il y en a certains, au lieu de foutre le bordel, ils feraient mieux d’aller regarder s’ils ne peuvent pas avoir un poste à Ussel. » La petite phrase courroucera les Gaulois réfractaires à parcourir 130 kilomètres, soit deux heures de route, jusqu’aux fonderies d’Ussel. Le député (LREM) de la Creuse Jean-Baptiste Moreau joue alors les médiateurs entre élus creusois et chef de


Article réservé aux abonnés
Pour lire la suite de cet article et accéder à l'intégralité de nos contenus
Formule numérique dès 1,00€
Déjà abonné(e)  ? Identifiez-vous

Novembre 2019 - Causeur #73

Article extrait du Magazine Causeur




Article précédent C’est toujours la lutte finale
Article suivant Lula libre ou la victoire de l’inconscient collectif
est journaliste.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération