Les carnets de Roland Jaccard
Jamais autant que ce matin en m’extirpant péniblement de mon lit, je n’ai trouvé aussi pertinente cette réflexion d’un ami de Cioran : « Le corps qui vieillit est le bourreau érigé tous les jours en tortionnaire impitoyable de l’innocence perdue. »
Le même ami de Cioran, Guido Ceronetti, observait que les vieux aiment de la même manière que les jeunes : ils aiment peu. Mais, à la différence des jeunes, pour cette contribution à la désertification des sentiments, les vieux sont punis.
Nous, pauvres humains, de quoi sommes-nous faits ? D’eau et d’attente. Ce que nous attendons, c’est qu’on nous pousse vers la sortie.
Au moment même où, canicule oblige, tout le monde fait assaut de compassion, je pense à ce mot si juste de Jean-Pierre Georges : on n’oblige personne à être vieux, celui qui est vieux ne peut s’en prendre qu’à lui-même… à quelle compassion voudrait-il prétendre ?
Cioran était favorable à l’extermination des vieux. Il avait évidemment raison. Mais une extermination générale ne serait pas mal non plus. Elle arrivera sans
