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L’Afrique, la Russie et nous: Jdanov est vivant!

En visite en Afrique de l'Ouest, le président français dénonce la propagande russe


L’Afrique, la Russie et nous: Jdanov est vivant!
Emmanuel Macron rencontre le président du Benin, Patrice Talon, Cotonou, 27 juillet 2022 © Lemouton / Pool/SIPA

En déplacement en Afrique, le président Macron a accusé Poutine de mener un « nouveau type de guerre mondiale hybride ». En réalité, rien de très nouveau sous le soleil, selon cette analyse. La Russie voit depuis longtemps la France et ses capacités de projection comme une cible prioritaire…


Par son passé colonial et son immigration, la France entretient une relation privilégiée avec le continent africain. Depuis le 17 janvier 2012, notre pays mène d’ailleurs une opération militaire d’envergure au Mali pour stopper la progression des djihadistes d’Ansar Dine et des indépendantistes du MLNA. Nous avons, aidés des Tchadiens et de la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine, livré une guerre coûteuse pour défendre les civils contre les exactions de l’islam de combat et protéger le continent européen d’une nouvelle déstabilisation de la populeuse Afrique.

Calomnies maliennes

Ces dernières années, l’observation au ras-du-sol des jeux géopolitiques africains avait démontré la volonté de nouveaux acteurs de chasser la France de ses zones d’influence traditionnelles, que ce soit évidemment au Mali comme en République Centrafricaine. Ainsi, la Russie de Poutine a notamment déployé plusieurs centaines de mercenaires de sa société militaire privée Wagner au Mali dans les premiers jours de janvier 2022. Quelques mois auparavant, l’agence de presse russe RIA Novesti diffusait des calomnies sur la France par l’intermédiaire du Premier ministre malien Choguel Kokalla Maïga qui accusait alors notre armée d’avoir formé des djihadistes.

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La Russie n’est d’ailleurs pas la seule puissance à chercher à pénétrer le continent connaissant la démographie la plus dynamique au monde, Chine et Turquie cherchant notamment à s’y implanter plus encore. Les discours anti-français entendus en Afrique s’expliquent en grande partie par ce jeu d’influence hostile que nous imposent ces nouveaux intervenants ambitieux. Dans son plan d’invasion de l’Ukraine, la Russie n’a pas négligé l’Afrique, raison de l’intervention de sa soldatesque wagnerienne avec l’accord d’un gouvernement malien à qui monts et merveilles ont été promis. La population est, elle, la grande oubliée.

Les attaques de Poutine contre le « modèle occidental »

Depuis l’intervention de Wagner, les dommages collatéraux contre les civils se multiplient : massacre de Danguère Wotoro où 35 Peuls ont péri, massacre de Moura lors duquel djihadistes et civils ont été indistinctement massacrés, etc. En sus, Wagner est incapable de lutter sérieusement contre les menaces rebelles et djihadistes, comme en témoigne la première attaque terroriste coordonnée depuis plusieurs années qui s’est produit ces derniers jours. Cinq jours après l’attentat-suicide de Kati revendiqué par un groupe djihadiste proche d’Al-Qaïda, 15 soldats maliens et trois civils ont été tués au cours de trois attaques concomitantes dans l’ouest et le centre du pays sahélien.

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Le problème africain s’inscrit désormais dans un contexte mondial d’une extrême dangerosité où la France est contestée en Méditerranée et au-delà, certains régimes « non-alignés » pensant profiter de la brèche ouverte par l’impérialisme russe en Ukraine, à commencer par le vieil allié algérien dont les liens avec Moscou remontent à la guerre d’indépendance durant laquelle l’ex-URSS avait comme souvent joué les agents provocateurs. À l’époque, déjà, le parti russe français était puissant, pouvant compter sur une cinquième colonne communiste et ses réseaux dans le monde politique, universitaire, intellectuel ou encore médiatique.

Dans un discours officiel prononcé en cette fin du mois de juillet, Vladimir Poutine a d’ailleurs confirmé ses intentions : « Le modèle voulant que le monde occidental domine le monde est injuste. Il divise le monde entre des citoyens de première classe et d’autres de seconde, il est raciste et néo-colonialiste. L’Occident est puissant parce qu’il a pillé l’Asie et l’Afrique ». Nul ne sait si ce discours anti-impérialiste cynique lui a été inspiré par les conquêtes tsaristes et soviétiques dans la plaine sibérienne ou en Europe centrale, toujours est-il qu’il s’agit là d’une manœuvre politique visant à justifier la guerre d’Ukraine comme étant une « guerre de libération » alors qu’elle est une guerre d’occupation.

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La doctrine Jdanov, ça date quand même un peu…

Puissance occidentale dotée de l’arme nucléaire et ancien Empire ultramarin, la France est régulièrement la cible des dirigeants en quête de notoriété et de crédibilité sur la scène internationale, mais aussi de certains acteurs populistes européens à l’image des Italiens qui n’ont de cesse de diffamer notre pays accusé d’être un oppresseur. Par une curieuse et perverse inversion, les libérateurs français du Mali sont vus comme des colons et les colons russes en Ukraine comme une armée luttant pour l’émancipation des peuples. La Russie applique toujours à la lettre près la fameuse « doctrine Jdanov » voulant que le monde soit divisé en deux, avec d’un côté le camp « impérialiste » et de l’autre les forces « antifascistes ».

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Selon Jdanov, il incombait aux partis communistes européens « le rôle historique de se mettre à la tête de la résistance au plan américain d’asservissement de l’Europe. » De fait, l’idée soviétique a persisté et ce n’est pas le ripolinage conservateur de la Russie qui trompera les plus lucides. Pièce majeure du jeu européen, la France et sa capacité de projection sont une cible prioritaire. Contrairement à ce qu’a affirmé Emmanuel Macron lors de son déplacement en Afrique, la guerre russe « hybride » n’a rien de neuf. Un conflit est toujours multidimensionnel, s’exerçant dans les domaines informationnels et économiques tout autant qu’au plan militaire. Napoléon Bonaparte lui-même indiquait que l’objectif prioritaire d’un stratège était de « couper les lignes de communication de l’ennemi » et de casser sa logistique.

L’attaque russe vise donc à désolidariser le bloc européen de la même manière que l’Europe avait su intelligemment dissocier les anciennes républiques soviétiques du centre moscovite, ce qui avait fini par conduire à l’effondrement du bloc de l’Est. Une guerre est toujours « hors limites », comme l’ont indiqué les auteurs chinois Qiao Liang et Wang Xiangsui. Nous devrions d’ailleurs répondre aux provocations russes sur le même ton. Pourquoi Vladimir Poutine, grand ami de l’Afrique qui coupe l’approvisionnement en blé, ne reçoit-il pas les candidats à l’exil qui fonce sur nos côtes par milliers ? La Russie est pourtant vaste et en déclin démographique !

Si nous voulons survivre et nous renforcer dans le cadre de cette guerre multidimensionnelle, notre résilience ne passera pas que par le seul volet militaire. C’est toute la politique d’influence de la France qui doit être repensée. Et pas uniquement… puisque la France ne sera plus jamais la France si elle refuse de comprendre que sa civilisation est mise en danger par l’immigration de masse. L’Afrique et la Russie sont nos défis pour le siècle à venir.



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Gabriel Robin est journaliste rédacteur en chef des pages société de L'Incorrect et essayiste ("Le Non Du Peuple", éditions du Cerf 2019). Il a été collaborateur politique

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