Le Festival du mot, qui se déroule du 30 mai au 3 juin dans la charmante bourgade de La Charité-sur-Loire, n’a pas fait preuve d’une grande originalité en choisissant comme mot de l’année 2012 « changement », (sous-entendu « c’est maintenant !»).
On pardonnera ce manque d’imagination aux organisateurs s’il s’agit pour eux de flagorner (vilaine chose, joli mot !) le nouveau pouvoir pour garantir la pérennité de leurs subventions.
Mais ils sont ainsi passés à côté de la plus belle entourloupe linguistique commise ces derniers temps avec l’usage de l’adjectif « ordonné » associé aux substantifs « sortie » et « retrait ».
Madame Christine Lagarde, première langue de vipère du FMI, envisage ainsi « une sortie ordonnée de la Grèce de l’euro ». Ô prodige de la merveilleuse ambiguïté de la langue de Molière ! Elle laisse aux intéressés (« qu’ils payent leurs impôts, ces rats ! ») le soin de conclure s’il s’agit d’une sortie en bon ordre, en rang par deux et au pas d’evzone, de notre belle monnaie unique, ou d’une expulsion résultant d’une injonction dont la version originale allemande est la plus expressive : Raus !
Le « retrait ordonné » des troupes françaises d’Afghanistan annoncé pour la fin 2012 par notre bien-aimé président de la République (61% d’opinions favorables) cache, lui, un euphémisme pour transformer en promesse tenue un rétropédalage pas ordonné du tout. Les galonnés lui ayant gentiment expliqué que l’on ne quitte pas aussi facilement un champ de bataille qu’un champ de luzerne en Corrèze, le plan « j’me barre » de François Hollande n’aura, en fait que trois mois d’avance sur le plan « j’me casse » de Nicolas Sarkozy.
Et l’on sait bien, dans la ville du Festival du mot, que charité bien ordonnée commence par soi-même…
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