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«Affaire Stan»: Et pendant ce temps, au Royaume Uni…

Les ennuis judiciaires de la Michaela Community School, «l’école la plus stricte de l’Angleterre»


«Affaire Stan»: Et pendant ce temps, au Royaume Uni…
Mme Birbalsingh, photographiée dans une classe de son établissement scolaire privé, janvier 2023 © Geoff Pugh/Shutterstock/SIPA

Pendant que les Français (ou leurs journalistes) se passionnent pour la scolarité des enfants de la nouvelle ministre de l’Éducation, que la gauche dénonce un prétendu « séparatisme » scolaire de Mme Oudéa Castéra et s’interroge sur les cours de caté de l’établissement privé Stanislas, au Royaume Uni, la Haute Cour d’Angleterre est invitée à se prononcer d’ici à la semaine prochaine sur une plainte pour discrimination visant la Michaela Community School, école privée très prisée située à Wembley. Jeremy Stubbs raconte.


Alors qu’un débat animé que l’on pensait éteint et qu’une « guerre » entre école publique et école privée reprennent dans l’hexagone, je voudrais ce matin vous raconter l’histoire de Katharine Birbalsingh, la directrice d’une école londonienne – peut-être la directrice d’école la plus célèbre de toute l’Angleterre. Sur l’échiquier politique, ses succès indéniables dans le domaine de l’éducation lui ont valu les louanges de la droite et les huées de la gauche. Car cette femme, née en Nouvelle-Zélande d’un père guyanien d’ascendance indienne et d’une mère jamaïcaine, élevée au Canada, mais ayant passé toute sa vie d’adulte au Royaume Uni, a fondé une école en 2014 qui a battu presque tous les records en matière de réussite scolaire.

« École libre » made in GB

La Michaela Community School, située à Wembley, dans une banlieue difficile de la capitale britannique, fait à la fois collège et lycée, selon le modèle anglais. (Si je dis « anglais », c’est parce que système scolaire n’est pas le même dans tous les pays du Royaume Uni). Le statut de cet établissement est celui d’une « école libre », c’est-à-dire qu’elle est financée par l’État, les élèves n’ont pas de frais de scolarité, mais l’école est largement indépendante de l’autorité locale – du rectorat, si vous voulez. Elle a plus de liberté que les écoles publiques pour choisir son propre programme et ses propres méthodes pédagogiques.

Dans un environnement qui met l’accent sur la bienveillance, la reconnaissance et l’épanouissement, l’école impose une discipline très stricte. On l’a même appelée « l’école la plus stricte de l’Angleterre ». Il y a une tolérance zéro pour les mauvais comportements ; le système de sanctions et de récompenses est expliqué en début de chaque année ; et le port de l’uniforme est obligatoire. Les méthodes pédagogiques sont les bonnes vieilles méthodes traditionnelles. La mémorisation est à l’honneur. L’apprentissage de la langue anglaise – en respectant scrupuleusement les règles grammaticales, l’orthographe et la précision du vocabulaire – est au cœur du programme. L’étude des pièces de Shakespeare est obligatoire. Et les réussites en mathématiques montrent combien cette matière est prise au sérieux.

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Les élèves sont de toutes les origines ethniques présentes outre-Manche et de toutes les grandes religions. C’est donc une école multiculturelle. Pourtant, on enseigne aux jeunes que ce qu’ils ont en commun, c’est le fait d’être Britanniques. Tout est fait pour promouvoir une identité proprement nationale. L’histoire et la culture britanniques sont au programme, et si les pages sombres ne sont pas cachées, les apports positifs ne le sont pas non plus. Pour montrer que l’élève peut être fier de son pays, on a recours aux chansons patriotiques.

Katharine Birbalsingh, une directrice pas adepte de ce wokisme en vogue ailleurs

Katharine Birbalsingh ne nie pas l’existence du racisme dans la société, mais rejette l’idée que la solution réside dans l’idéologie victimaire, dans la doctrine de la diversité et de l’inclusivité ou dans tout ce qui introduit la notion d’une ségrégation entre les élèves. La vraie réponse aux difficultés des minorités ethniques et religieuses se trouve dans la discipline et la réussite scolaire. Et la réussite scolaire est au rendez-vous. Le taux de réussite des élèves aux examens nationaux et dans la compétition pour les places dans les meilleures universités est parmi les plus élevés de tout le pays. Et à chaque visite des inspecteurs d’école, l’établissement est jugé excellent dans toutes les catégories. En 2020, Mme Birbalsingh a été décorée par la reine Elisabeth !

Ce n’est donc pas une surprise si elle est devenue une cible pour la gauche et l’extrême-gauche wokiste. Elle a fait l’objet non seulement de critiques de la part des partisans d’une pédagogie plus molle ou plus militante, mais aussi d’insultes et de menaces d’activistes haineux. Et c’est là qu’arrive l’histoire qui nous préoccupe aujourd’hui.

Quand l’islam s’en mêle

En mars 2023 l’école interdit les rituels de prière musulmans à l’école – c’est-à-dire la pratique de la Sâlat. En réponse, certaines personnes à l’extérieur ont cherché à insulter, intimider et agresser le personnel enseignant. Cette semaine, la Haute Cour d’Angleterre examine la plainte portée par une élève musulmane qui accuse l’école Michaela de discrimination : pour elle, cette interdiction serait contraire à son droit à la liberté de conscience ou de religion. Selon l’avocat de la plaignante, un chrétien pourrait prier en silence, assis dans la cour de récré, mais un musulman doit pouvoir accomplir tout un rituel – d’où l’accusation de discrimination.

Katharine Birbalsingh s’est déjà défendue : son école d’environ 700 élèves est une école laïque. En anglais, on dit « secular », c’est-à-dire ouverte à toutes les religions sans en privilégier aucune. Chaque « communauté » a dû faire des concessions pour permettre à tous de vivre ensemble : les Témoins de Jéhovah ont dû accepter d’étudier le Macbeth de Shakespeare, en dépit des scènes de sorcellerie dans cette pièce ; les chrétiens ont dû accepter les séances de révision le dimanche ; les hindous, la présence d’œufs dans les cuisines… Les musulmans sont priés d’accepter l’absence de salles de prière. Il faut dire que, outre-Manche, les salles de prière musulmane ne sont pas du tout obligatoires dans les établissements publics et y sont d’ailleurs très rares. Pourquoi donc s’en prendre à l’école Michaela en particulier ? D’autres questions se posent : qui a coaché la plaignante ? qui paie les frais d’une avocate de haut niveau, qualifiée pour plaider devant la Haute Cour ?

L’école Michaela est vraiment l’école telle que nous la rêvons – l’école où la discipline permet le respect mutuel et encourage l’ouverture à l’autre ; l’école où les méthodes pédagogiques centrées sur les capacités à acquérir font progresser l’élève ; l’école où les critères d’excellence poussent chacun à se dépasser et à dépasser sa condition sociale. C’est donc, pour certains, l’école à détruire et sa directrice, la femme à abattre.




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est directeur adjoint de la rédaction de Causeur.

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