Dans son éditorial, Elisabeth Lévy revient sur la révélation du passé carcéral du réalisateur, et sur les réactions des confrères qui s’en donnent à cœur joie.
Nos confrères devraient dresser une statue à Causeur. Ne barguignons pas, nous avons commis une erreur. Nos révélations sur le passé de Ladj Ly, en particulier sa participation, en 2009, à une forme de vendetta familiale, n’étaient pas absolument irréprochables, puisque nous avons confondu les chefs d’inculpation initiaux et ceux retenus à l’issue de l’instruction. Ce n’est donc pas pour « enlèvement, séquestration, tentative d’assassinat et violences aggravées » que l’auteur des Misérables a été condamné, le 2 mars 2011, à trois ans de prison (ramenés à deux dont un avec sursis en appel) par le tribunal de Bobigny, mais seulement pour « arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire suivie d’une libération avant le septième jour ». Dont acte.
Grâce à cette erreur, qui ne porte pas sur les faits mais sur leur qualification, nos excellents confrères ont pu s’en donner à cœur joie dans la posture déontologique. Nous avons eu droit à un festival de sévère remontage de bretelles allant jusqu’au soupçon d’avoir délibérément trompé le lecteur… pour empêcher un génie d’accéder aux Oscars (pour lesquels Ladj Ly avait juste été pré-sélectionné au moment de la publication de notre article). Le machiavélisme qu’on nous prête est flatteur, mais il s’agissait d’une pure coïncidence. Aussi incroyable que cela puisse sembler à des gens infaillibles et d’une rigueur jamais prise en défaut (tous les autres, donc), nous avons péché par légèreté et nous nous sommes trompés. Un crime assurément odieux.
Les déontologues de la presse
L’intransigeance avec laquelle notre erreur a été condamnée pourrait rassurer sur une corporation que l’on voit presque tout entière dressée contre les fake news, telle une statue de la vertu. Sauf que cette sévérité semble exclusivement réservée à ceux que Libé et Télérama appellent des « médias d’extrême droite », en l’occurrence Causeur et nos amis de Valeurs qui avaient repris notre information (donc notre erreur). On comprendra donc qu’un média d’extrême droite est un média qui ne se prosterne pas devant les idoles désignées par Libé, France Inter et les autres. (Cependant, le lendemain dans Libération, Causeur n’était plus qu’un journal « réactionnaire », on progresse.)
On aimerait savoir ce que ces déontologues raffinés pensent par exemple de la Bérézina médiatique qu’aura été la Ligue du Lol. Rumeurs et racontars, à-peu-près et amalgames, extrapolations douteuses et observations sélectives, le tout nappé d’idéologie meetoiste, ont abouti à ce que l’un des protagonistes de l’affaire a appelé « la fabrique des quatorze salopards ». Lesquels ont perdu leur boulot, leur santé et leur réputation sur la foi d’allégations non vérifiées. « Cette affaire nous a tous rendus fous » a reconnu Eric Mettout, ex-rédacteur en chef du site de l’Express, qui a publié des dizaines d’articles sur le sujet, le 17 décembre. Comment croyez-vous
