L’écologie est prise en otage par la gauche depuis des années. Aussi, quand le journaliste Hugo Clément se rend à un débat organisé par Valeurs actuelles, tous ses anciens petits camarades lui tombent dessus. La fin de l’invisibilisation d’une partie importante de l’opinion sur ce sujet capital est pour eux insupportable.
L’on est devenu si familier des mille et un anathèmes, procès en sorcellerie et édits de censure commis par les adeptes vociférants d’une certaine gauche dite culturelle, que l’on finit par ne plus même y faire attention.
A fortiori parce que, celle-ci renouvelant ses sujets d’indignation et de courroux quasi quotidiennement dans un élan jamais démenti de créativité inquisitoriale, il faudrait y passer ses journées entières, mais également parce que l’automaticité de ce paradigme finit par nous condamner nous-mêmes à une certaine forme de contre-réaction/dénonciation stéréotypée à force d’usage pourtant légitime.
Crises de nerfs à France inter
La crise nerveuse qui a entouré la participation du journaliste et militant écologiste et animaliste Hugo Clément à une soirée de débat organisée par le magazine Valeurs actuelles, amenant ce-dernier à échanger notamment, horresco referens, avec le président du Rassemblement national Jordan Bardella sur les questions environnementales, a, par les cris d’effroi produits, souligné ce phénomène désormais rituel, de part et d’autre, mais également fait apparaître de façon saillante un aspect insuffisamment traité de cette problématique générale, en l’occurrence l’appropriation, la captation, la prise en otage, la confiscation de certains thèmes de débats par ce gauchisme décidément délétère qui mérite toutefois que l’on s’y attarde quelque peu.
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La confiscation opère donc ici à deux niveaux.
Il y a, comme nous l’avons souvent dénoncé et analysé, tout d’abord, la confiscation des modalités et possibilités du débat public. Nous avions, dans ces colonnes-mêmes, dénoncé par exemple l’intolérance crasse d’un Geoffroy de Lagasnerie, lequel incarne à merveille cette mouvance se situant à l’intersection de la continuelle jactance, de la complainte, du nombrilisme et du goût à la fois totalitaire et infantile de la censure : « Moi je suis contre le paradigme du débat, contre le paradigme de la discussion » avait-il ainsi déclaré sans vergogne au micro bienveillant de France inter dans un baragoin d’anthologie (à l’analyse de laquelle nous nous permettons de renvoyer ici le lecteur). Être « contre le débat », il suffisait d’y penser.
Liberté d’inexpression
De fait, cette inaptitude revendiquée à la contradiction dialectique, si elle est en germination/macération, comme nous l’avons souvent rappelé, dans le fruit révolutionnaire (« pas de liberté pour les ennemis de la liberté »), à l’instar d’un péché originel ou d’une sorte d’inrésecable bubon pesteux, a pris ces dernières années une tournure psychodramatique nouvelle : wokisme, cancel culture, déconstructions à foison sont venus apporter à ces axiologies écervelées toute une palette de déclinaisons que le grand public a été amené à connaître, hélas ; si bien qu’il n’est plus nécessaire désormais de revenir sur les mécanismes de cette censure-là (nous nous permettons de renvoyer ici le lecteur à notre ouvrage consacré aux formes contemporaines de la censure et aux différents articles que nous avons consacrés à ces questions, l’annulation/contestation de conférences étant un grand classique du genre…).
Notons toutefois un argument d’importance : « on ne débat pas avec ces gens-là ». Cet argument, aussi infantile soit-il, et fondé sur le fantasme d’un retour des Heures Sombres et autres bruits de bottes, trouve une déclinaison majeure dans la sphère politique où elle n’est pas cantonnée aux simples clowns gauchistes. Si l’on veut bien y réfléchir, il s’agit exactement du même paradigme que celui du fantasmatique « axe républicain », propre au fameux « vote castor » (barragiste), lequel permet d’éliminer la vile populace du champ du tolérable (plus de 40% du corps électoral, tout de même). L’adversaire politique est transformé en ennemi et l’on sait que c’est sur cette base rhétorique qu’Emmanuel Macron a fait campagne et remporté l’élection présidentielle à deux reprises, renvoyant dans quelque cercle de l’Enfer dantesque une partie considérable du corps social décrété infréquentable et, de fait, nié, invisibilisé. Ce que l’on pourrait par conséquent croire comme étant le fruit des simples lubies inquisitoriales d’un gauchisme dégénéré fonde en réalité le pouvoir actuel, présumé centriste, et dont on mesure bien en réalité le vice de forme et de fond qui le légitime perversement dans la plus grande des violences…
Gauchistes de foire et barbelés
Par conséquent, lorsque le chœur des gauchistes de foire (réseaux sociaux, cercles de vertu médiatico-mondains etc.) crie au scandale quant au débat avec Jordan Bardella, il ne fait que répéter avec un peu plus de virulence et de théâtralité hystérique (encore que le « pas ça, pas ça, pas ça » de Macron en campagne en 2017 n’était pas piqué des hannetons…) ce qui fonde (usurpe ?) le pouvoir actuel pourtant réputé comme étant issu de la plus subtile rationalité républicaine. L’ « arc républicain » est surtout un mur de barbelés idéologiques dressé au cœur des peuples eux-mêmes (car cette problématique n’est pas propre à la France mais s’applique à tous les peuples occidentaux : on se souvient du « basket of deplorables » d’Hillary Clinton) et qui remise une grande partie de ceux-ci dans la zone grise voire noire de l’infréquentabilité, de l’inexistence, du néant. La revendication de l’absence de débat vaut mise à mort sociale, politique, professionnelle et, parfois, mort tout court.
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La confiscation s’opère par ailleurs sur le fond des questions traitées : en l’occurrence ici le souci environnemental. N’importe quelle personne au cerveau normalement doté et à la conscience écologique chevillée au corps devrait se réjouir que les publics les plus variés possibles soient sensibilisés à ces questions qui englobent, par nature, l’humanité toute entière puisque, jusqu’à preuve du contraire, nous sommes tous embarqués, dans cette affaire, sur le même navire. Mais non, visiblement le confort de l’entre soi idéologique est plus important que la sauvegarde de la planète (ce qui relativise l’importance de cette cause pour les intéressés, soit dit en passant…). S’il s’agissait véritablement de sauver la planète et l’environnement, absolument toutes les bonnes volontés seraient bonnes à prendre, on ne se permettrait pas ces minauderies de petits-bourgeois faisant la fine bouche, l’enjeu étant vital et de l’ordre de la survie de l’espèce ! On comprend bien par conséquent que l’éviction par principe idéologique de toute une partie, importante, des citoyens présumés étrangers à cette problématique essentielle (et nous reviendrons plus bas sur cette présomption), signifie que ce combat est, pour beaucoup, davantage un marqueur, un signe de distinction, une sorte de signe extérieur de richesse « culturelle » (à travers la gratification morale et sociale/culturelle qu’il procure) bien davantage qu’un réel objectif en soi. On s’en doutait déjà un peu au regard de la façon dont sont gérées la plupart des municipalités passées sous l’étendard de l’écologisme politique (version « écologie punitive ») et dont l’action ne permet pas de bien discerner en quoi l’utilisation de l’écriture inclusive, des pistes cyclables non genrées et l’enlaidissement méthodique du mobilier urbain contribuent à la réduction du CO2 non plus qu’à la préservation des espèces menacées – si ce n’est l’espèce gauchiste qui désormais y prospère tout à loisir, comme dans des sortes de zones protégées et délaissées par un nombre croissant de personnes normales (par « personnes normales », nous entendons des personnes souhaitant par exemple se rendre sans entrave d’un point A vers un point B ou souhaitant que leur progéniture puisse jouer au foot dans les cours de récréation).
Chasse gardée
La confiscation de l’écologie, du souci écologique, par le gauchisme pose d’autant plus question que la préservation/protection de la nature, des écosystèmes, de la biodiversité, de la ruralité, du patrimoine esthétique naturel etc. sont, historiquement et par essence, des problématiques que ce même gauchisme culturel n’aurait aucun mal à qualifier de « réactionnaire ».
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Les modélisations économiques propres à la mondialisation et au libéralisme sans frein sont par ailleurs vigoureusement combattues par les programmes souverainistes et/ou de droite dite « extrême » qui privilégient, a contrario, le recours aux circuits courts, le localisme etc. Ces éléments sont présents depuis belle lurette dans le programme du Rassemblement national directement concerné par cette affaire de débat avec Hugo Clément : de là à penser qu’une partie des détracteurs dudit débat craignaient en réalité que le grand public ne découvre la supercherie confiscatoire, il n’y a qu’un pas que nous franchissons bien volontiers. Souvenons-nous d’ailleurs que pour l’actuel Garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, ordinairement si prompt à pourfendre un fascisme de pacotille bien pratique pour justifier des effets de manches outragés : « le localisme, ça finit par le racisme ».
Il se pourrait, en effet, que lutter contre la mondialisation effrénée, renforcer et privilégier les circuits courts et le localisme, protéger et préserver les écosystèmes (contre les intérêts prédateurs d’un certain capitalisme sans scrupules), privilégier l’innovation, le nucléaire, la créativité, l’ingénierie, l’inventivité et les techniques innovantes s’avère plus efficace pour servir ces causes que de se coller les mains sur du goudron, annoncer l’apocalypse à la remorque d’une adolescente instrumentalisée et déscolarisée, ouvrir des centrales à charbon, asperger des Van Gogh avec de la peinture ou encore transformer sa grand-mère en compost…
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