Gilles-William Goldnadel déplore que le tribunal ait conclu à l’irresponsabilité pénale de Kobili Traoré, le meurtrier antisémite de Sarah Halimi, défenestrée à Paris en avril 2017. En désespoir de cause, il se tourne vers la justice israélienne.
L’incompréhensible décision concernant le meurtre de Sarah Halimi n’intervient pas dans un univers judiciaire français rationnel. Voilà trop longtemps que je ne suis plus un avocat heureux et que je me lamente contre les dysfonctionnements nombreux.
Pour l’écrire autrement je n’ai plus confiance dans la justice de mon pays. Trop lente, trop indolente, trop idéologique. Pour rester aimable.
Étant l’avocat de la sœur de la malheureuse suppliciée, je n’ai aucune objectivité. Mais même un être subjectif a le droit de faire des remarques objectives et incontestables factuellement. La juge d’instruction a refusé constamment de recevoir l’avocat des victimes que je suis. C’est la première fois dans ma longue carrière. Je ne peux qu’y voir un défaut d’humanité et de compassion. La même juge a refusé de faire droit à nos demandes de reconstitution. C’est également pour moi une grande première.
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La juge d’instruction a préféré un rapport d’expertise qui concluait à l’irresponsabilité de Traoré au premier rapport d’expertise qui aboutissait à la constatation inverse qui n’avait pas l’heur de lui plaire.
J’en arrive au cœur de la polémique qui a outré une grande partie de la France : le fait de considérer qu’un criminel ayant perdu l’esprit pour cause de prise volontaire de doses massives de cannabis puisse échapper à un châtiment pénal. On vous a fait croire que la justice ne pouvait pas faire autrement et on vous a menti. Nous ne le savions pas lorsque nous avons plaidé devant la Chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, mais quelques mois avant la Cour de cassation avait confirmé l’arrêt de la chambre de l’instruction de Versailles du 13 février 2018, qui exactement dans les mêmes conditions de fait et de droit que dans l’affaire Traoré avait jugé que « la consommation importante de stupéfiants ne doit pas s’analyser comme une cause d’abolition du discernement mais au contraire comme une circonstance aggravante ».
Et le commentateur de cet arrêt, hélas non publié, d’observer : « il s’agissait donc d’une décision contraire à celle de la chambre de l’instruction de Paris puisque sur la même base théorique (trois expertises dont deux concluants à l’abolition du discernement) la juridiction d’instruction du second degré avait choisi de renvoyer la personne mise en examen devant la cour d’assises ». (Voir à ce sujet mon article dans le Figaro du mardi 20 avril, l’article de Paule Gonzales dans le Figaro du même jour et l’article du Canard Enchaîné du mercredi 21 avril).
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Voilà pourquoi il s’agit d’un déni de justice et, j’ose l’écrire, d’une parodie de justice.
Voilà pourquoi je n’ai plus confiance dans la justice de mon pays.
C’est dans cette circonstance désolante, que, littéralement, en désespoir de cause, avec mon confrère Francis Szpiner, nous traverserons la Méditerranée et saisirons la justice israélienne compétente. Parce que son article 13 de la loi de procédure prévoit que si un juif est tué en tant que juif (ce qui est reconnu par la justice française…), la justice israélienne est compétente même hors du territoire national israélien et parce que la sœur de la victime, conformément aux réquisitions de l’article 14, est israélienne.
Cela nous apaisera mais ne nous consolera pas de ce que la justice française ici encore a failli. Par incompétence et par idéologie. Il arrive que l’excès d’indulgence pour les uns prive de toute compassion pour la souffrance des autres.
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