Vous allez peut-être finir par croire que je regarde beaucoup trop la télévision. Car nous allons évoquer ici le passage de Brigitte Macron, au journal télévisé de TF1…
Rassurez-vous, nous allons essayer de ne pas faire sombrer ce site de haute tenue intellectuelle dans des commérages dignes de la presse people. Et rassurez-vous également, nous ne comptons pas non plus faire une énième analyse institutionnelle sur la place que la Ve République devrait laisser à la « Première Dame », ou sur les évolutions qu’il faudrait apporter à son statut. Même si elle n’a pas obtenu de mandat des citoyens français, que la femme du président ait un chauffeur, un budget ou un bureau à l’Élysée, cela n’a finalement rien de choquant !
Que faisait Brigitte Macron au 13 heures de TF1, mercredi dernier ?
Je vous le concède, c’est peut-être un peu people au début, malgré tout. La mère Macron était invitée du journal de Marie-Sophie Lacarrau, avec Didier Deschamps, pour le lancement de la 35e opération des Pièces Jaunes1. Comme Bernadette Chirac autrefois, M’ame Macron est la présidente de la Fondation des Hôpitaux. Quant à Didier Deschamps, il est le parrain de l’opération.
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Évidemment, on a vite compris que les journalistes de TF1 n’en avaient pas grand-chose à fiche des petites boites en carton qu’on remplit des pièces qui trainent dans nos fonds de poche au profit des enfants malades. En plein remaniement ministériel, et alors que l’affaire Depardieu fait rage à coup de pétitions et contre pétitions sanglantes dans la presse, c’est sur ces sujets qu’il fallait cuisiner notre Première dame… Oh ! cependant, ce n’est pas émettre des doutes infamants quant aux aptitudes professionnelles de la rédaction de TF1 ou de Marie-Sophie Lacarrau que de penser que, peut-être, avant de se déplacer dans la Tour TF1 de Boulogne-Billancourt, ces thèmes avaient été communiqués au palais de l’Elysée.
Aller au JT de 13 heures, c’est intéressant pour la macronie. Même si les audiences du rendez-vous sont structurellement en baisse depuis les années d’or de Jean-Pierre Pernaut, ce journal reste très suivi, avec des millions de fidèles chaque jour et jusqu’à un téléspectateur sur deux devant TF1. Surtout, c’est essentiellement la France active de nos provinces qui regarde ce rendez-vous. Des citoyens qui ne sont pas forcément les électeurs d’Emmanuel Macron. Des électeurs de la France périphérique que sa femme peut donc tenter de séduire dans un but électoral, avec sa parole calme et non polémique.
Mais alors, qu’a dit « Brigitte » ?
Nous avons dû revoir une deuxième fois la séquence en entier pour prendre quelques notes car, vraiment, la première fois, le brushing de M’me Macron était tellement travaillé que l’on ne regardait que çà. Ne soyons pas trop sexistes en ne commentant que l’aspect des femmes : le nouveau sourire lavabo de l’entraineur de l’équipe de France était aussi particulièrement impressionnant. Tout d’abord, sur le nouveau Premier ministre qui venait d’être nommé, notons que Brigitte Macron l’appelle par son prénom, « Gabriel ». Elle lui souhaite bonne chance, bien sûr, et, elle veut nous faire croire, comme l’a affirmé la journaliste Marie-Sophie Lacarrau, qu’elle n’aime pas commenter les décisions politiques de son mari. Oh non ! Surtout pas !
Reste qu’elle trouve Gabriel Attal formidable. Comme tout le monde apparemment : pensez, il est si jeune ! Nous avons bien lu la presse la semaine dernière, et contrairement à ce qui avait cours dans l’ancien monde, l’inexpérience c’est désormais une qualité professionnelle, apparemment. TF1 a quand même posé une question piège à Brigitte sur ce fantastique nouveau Premier ministre. A-t-il un défaut ? Eh bien, la femme d’Emmanuel Macron a calé. Elle le connait pourtant très bien, car il soutient le couple Macron depuis le début, dès leur première campagne. Mais de défaut, elle ne lui en a trouvé aucun. Vous voyez, la France a vraiment de la chance ! Citons la Mère Macron, qui, après avoir remercié Elisabeth Borne pour son service et avoir presque semblé être peinée de voir partir celle que ses admirateurs appellent affectueusement « Mamie Vapota » dans les commentaires de Causeur, a donné la description suivante de Gabriel Attal : « Gabriel est courageux, il est audacieux, c’est un homme d’action ». Elle en est presqu’amoureuse ! Je ne citerais pas en revanche le nom de l’affreux membre de Causeur qui m’a dit qu’il fallait qu’elle redescende un peu : « Celui-là, il est vraiment gay » a persiflé ce collaborateur. C’est vraiment une blague que je ne reprendrais pas à mon compte.
Et Gérard Depardieu, alors ?
Brigitte Macron nous a offert un grand numéro de « en même temps » mi-woke mi-réac, concernant Gérard Depardieu, sous l’oeil bienveillant de son faire-valoir Didier Deschamps.
Notre patronne estime que les lecteurs de Causeur qui trouvent que nous en faisons beaucoup trop sur cette affaire Depardieu ont tort, et a expliqué à Jeremy Stubbs en quoi ici. L’histoire des propos grivois et des agressions sexuelles présumées de Gerard Depardieu, ce n’est pas une histoire à reléguer aux pages de la presse people. Au-delà du cas de Gerard Depardieu, on observe un basculement sociétal, un maccarthisme de plateaux tv et une nouvelle police des braguettes qui se mettent en place. Et si cela vous gêne et que vous osez le dire, vous serez rapidement accusé de faire partie du « vieux monde sexiste ». Il convient de dénoncer ces âneries néoféministes, comme il convenait de dénoncer les nombreux aspects délétères des mouvements Balance Ton Porc ou Metoo. Brigitte Macron a dit qu’elle ne voulait pas ajouter du commentaire au commentaire, car, selon elle, avec toutes ces tribunes et toutes ces prises de parole, « on est servi pour les commentaires ». Dans un premier temps, elle nous a fait du politiquement correct, et a ressorti la tarte à la crème de la sacrosainte « parole des femmes », qui comme chacun le sait se libère, et qu’il conviendrait de soutenir. « Elles parlent et il faut continuer de parler, c’est très courageux de parler », estime la femme du président.
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Oui, mais voilà : juste avant Noël, le président de la République avait dit sur France 5 que l’ex-ministre de la Culture Rima Abdul-Malak (depuis tombée en disgrâce) s’était avancée concernant l’affaire, que Gérard Depardieu était un immense acteur et que, oui, il rendait selon lui « fière » la France. Brigitte Macron, à qui on a rappelé ces propos sur TF1, a donc botté en touche et dit qu’il fallait la comprendre. Ah bon ? On ne voit pas en quoi elle pourrait nous donner son appréciation du Premier ministre et pas soutenir son mari dans l’affaire Depardieu. Avec ses déclarations sur France 5, M. Macron semblait plutôt se positionner du côté de ceux qui ont signé la fameuse tribune de Yannis Ezziadi.
Ce qu’a ensuite dit Brigitte est quand même bienvenu : « Je ne peux pas commenter ce commentaire [l’appréciation d’Emmanuel Macron sur Gérard Depardieu sur France 5] mais par contre je commenterai la présomption d’innocence. Un des piliers de la démocratie, c’est la justice, et un des critères fondamentaux de la justice c’est la présomption d’innocence » a développé la Première Dame. Voilà qui est dit pour toutes nos néo féministes et actrices dénonçant ces jours-ci la culture du viol ! Sans être encore plus désagréable que nous l’avons été jusqu’à maintenant, observons aussi que Brigitte Macron appartient finalement aux anciennes générations – elle a tout de même 24 ans de plus que son époux. D’ailleurs, sa rencontre avec le président, alors qu’il était un de ses jeunes élèves, pourrait facilement être réécrite à la lumière de la théorie de l’emprise par des idiots – l’emprise, c’est une thèse que Lio, Mediapart, Anouk Grinberg ou Judith Godrèche nous resservent tous les jours ces derniers temps. Et, très franchement, ces théories et ces leçons de morale ne valent pas beaucoup mieux que les thèses des complotistes qui avaient voulu nous faire croire qu’Emmanuel Macron était en couple avec le patron de Radio France ou que Brigitte Macron avait changé de sexe comme Amanda Lear… Tout ça, c’est du délire.
Laissons la justice travailler, laissons la vie privée des gens tranquille, laissons les gens avoir une vie amoureuse audacieuse s’ils en ont envie, et défendons ceux qui se font lyncher dans les médias, parfois pour de simples rumeurs sur les réseaux sociaux.
Pour résumer cette séquence « Brigitte » sur TF1 : le blabla bienpensant de Brigitte Macron sur la parole des femmes, non merci ! Mais pour la présomption d’innocence de Gérard Depardieu : merci Brigitte !