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Affaire de Sarah Halimi: une mise au point

Un article de Paul Bensussan, psychiatre et expert agréé par la Cour de cassation et par la Cour pénale internationale de La Haye


Affaire de Sarah Halimi: une mise au point
Manifestation pour réclamer "Justice pour Sarah Halimi", place du Trocadéro, 25 avril 2021 © Hannah Assouline

Le meurtrier de Sarah Halimi ne sera pas jugé. On comprend la tristesse des familles et l’émotion de l’opinion. Que le travail de la juge d’instruction soit critiquable ne justifie pas les raccourcis et caricatures. Expert dans cette affaire, Paul Bensussan souligne que l’irresponsabilité pénale figure dans le Talmud comme dans le droit romain. Et rappelle que si Kobili Traoré était fou au moment des faits, il n’en est pas moins coupable d’un crime antisémite.


Dans une tribune publiée le 16 avril 2021 dans Le Figaro, deux jours après que la Cour de cassation avait rendu son arrêt confirmant l’irresponsabilité pénale du meurtrier de Sarah Halimi, le grand rabbin de France, Haïm Korsia, faisait part de son indignation. Il qualifiait cette décision, devenue définitive, de « scandale judiciaire » et s’étonnait que l’irresponsabilité pénale eût été retenue avec la circonstance particulière de l’antisémitisme, estimant incompatibles ces deux notions. « Les lumières sont-elles sur le point de s’éteindre depuis les instances de base jusqu’au plus haut échelon de la hiérarchie judiciaire française ? » s’interrogeait Haïm Korsia.

Membre du deuxième collège d’experts ayant conclu à l’irresponsabilité pénale de Kobili Traoré, ce qui fut au final le cas de six experts sur les sept qui sont intervenus, il m’a paru nécessaire, même si l’émotion suscitée peut rendre le propos difficilement audible, de revenir sur certains raccourcis et contre-vérités médiatiques, ainsi que sur des aspects médico-légaux.

Un permis de tuer des Juifs ?

Rien dans cette affaire ne semble avoir été fait pour tenter de dissocier l’atrocité du crime de sa singularité et du fait que son auteur, au moment des faits, ne pouvait être considéré comme responsable de son acte. Pas même de son état, comme on a tenté de le dire, au seul motif qu’il était consommateur de cannabis. Les réactions ulcérées abondent, certains dénonçant même un « permis de tuer des Juifs » ; d’autres, hélas professionnels du droit, surfent sur l’émotion, prétendant qu’il suffirait désormais de fumer un joint pour commettre un crime en toute impunité. Compréhensibles de la part du public, de tels raccourcis sont indignes de professionnels.

Il est vrai qu’en début d’instruction, l’hésitation à retenir la circonstance aggravante d’antisémitisme a pu donner à certains le sentiment que cette dimension était délibérément occultée, voire niée, ce qui aggravait le désarroi et l’incompréhension. Depuis le 4 avril 2017, date des faits, cette ambiguïté n’a jamais été levée. Au point qu’Amélie Perrier, « lançant » le sujet au micro de France Inter dans le journal de 18 heures, mercredi 14 avril, jour de la

Mai 2021 – Causeur #90

Article extrait du Magazine Causeur




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Psychiatre, expert agréé par la Cour de cassation et par la Cour pénale internationale de La Haye. Dernier ouvrage paru : Le Nouveau Code de la sexualité (avec Jacques Barillon), Odile Jacob.

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