Débancarisation. Randy Yaloz, président de Republicans Overseas France, nous dit quelles sont les leçons à tirer de la mésaventure de Nigel Farage.
On se souviendra de l’affaire de la « dé-bancarisation » de Nigel Farage qui a éclaté au mois de juin. L’ancien eurodéputé et chef successif de trois partis politiques (UKIP, le Brexit Party et le Reform Party), aujourd’hui animateur vedette de la chaîne d’infos, GB News, avait été informé par sa banque, Coutts, filiale du groupe NatWest, que ses comptes allaient être fermés. Aucune justification n’aurait été donnée par la banque pour motiver cette fermeture.
Différentes raisons ont circulé dans les médias par la suite : la somme qu’il avait sur ses comptes était insuffisante pour mériter les services d’une banque aussi prestigieuse (dont la famille royale est cliente) ; le compte d’une telle personnalité publique risquait d’être piraté à des fins de blanchiment de l’argent ; ou, plus scandaleuse encore, la ligne politique de M. Farage ne correspondait pas aux valeurs éthiques de la banque.
En tout cas, l’affaire s’est soldée par deux démissions d’envergure : celle d’Alison Rose, PDG du groupe NatWest, le 26 juillet, et celle de Peter Flavel, PDG de la banque Coutts, le lendemain. Mme Rose a reconnu une « grave erreur de jugement » consistant à mélanger opinions politiques et obligations professionnelles.
L’attaque brutale de la débancarisation
S’attaquer aux finances d’un homme, disons-le au passage, est l’une des attaques les plus brutales qu’on puisse lui infliger avant de s’en prendre à sa personne physique. La Cour suprême des États-Unis ne s’y est pas trompée, en 2010, lorsqu’elle a rendu l’arrêt Citizens United v. Federal Election Commission qui protège la liberté d’expression des candidats aux élections. La fermeture de son compte bancaire met inévitablement un bâillon sur la bouche d’un homme politique : c’est donc que M. Farage a dérangé en haut lieu d’une manière autrement plus sérieuse qu’un « polémiste » qu’on jouerait à décrier dans les grandes émissions, mais qu’on continuerait à inviter encore et qu’on laisserait tranquille dans ce qui compte vraiment, signe que, en fin de compte, il rassure plus qu’il n’inquiète.
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Des documents internes de la banque Coutts, qu’a pu se procurer M. Farage, sont sans appel : si M. Farage s’est vu fermer son compte, c’est parce que Mme Rose et M. Flavel l’estimaient « xénophobe et raciste » et que, enhardis par le climat de cancel culture de notre époque, ils se jugèrent sinon dans leur bon droit, du moins en position de force.
Quelles sont les leçons à tirer de la mésaventure de Nigel Farage ? Notons d’abord que M. Farage n’a pas tenu à garder les projecteurs braqués sur sa personne. Au contraire, dès le 29 juillet, il a annoncé le lancement du site accountclosed.org « pour lutter contre les grandes banques qui nous ont laissé tomber », en recueillant en masse les témoignages de citoyens qui se sont vu fermer leur compte bancaire de manière abusive, afin d’engager des actions en justice de grande envergure.
Non content de la seule dénonciation des fermetures de compte abusives, il a condamné, dans la vidéo de lancement du site, l’inefficacité de la lutte menée par les banques contre la véritable fraude fiscale, avançant que « pour chaque livre d’argent blanchie trouvée dans le système bancaire britannique, le coût de son recouvrement est de cent livres ». Et de rappeler que ces mêmes banques qui se permettaient de fermer les comptes de certains de leurs clients étaient les mêmes qui, après la crise financière de 2008, avaient été renflouées avec l’argent du contribuable…
Dé-bancarisation : un problème aux proportions insoupçonnées
Dès le lendemain du lancement du site, M. Farage s’est dit « bouleversé par les expériences de dé-bancarisation de simples citoyens ». Il a affirmé que le chiffre de 5500 fermetures de compte avancé par le Sunday Times était en-deçà de la réalité et a conclu que « toutes les banques sont coupables ». En homme politique averti, il a réussi à montrer que l’injustice du système bancaire ne se limitait pas à des atteintes à sa seule personne, mais visait potentiellement les citoyens en général.
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Par la suite, le quotidien, The Daily Mail, a révélé que 1000 comptes en banque seraient fermés tous les jours au Royaume-Uni, sans que les banques expliquent clairement ce qui motiverait la fermeture.
Nigel Farage a même pu faire cause commune avec une ancienne adversaire politique. Gina Miller, qui avait lancé une campagne contre le Brexit après le référendum et avait tenté d’entraver le processus de sortie de l’UE par des actions en justice, a révélé que son propre parti, True and Fair, aurait été informé par sa banque, Monzo, que son compte allait être fermé. Personne n’étant à l’abri, Grant Shapps, le secrétaire d’État à la Sécurité énergétique dans le gouvernement conservateur, a annoncé que lui et des membres de sa famille avaient été débancarisés à cause de son rôle politique. Le chancelier de l’Échiquier lui-même (titre du ministre des Finances outre-Manche) se serait vu refuser l’ouverture du compte à la banque Monzo. Des fuites dans la presse de messages échangés par les salariés de cette banque ont révélé qu’ils traitaient les conservateurs de « malfaisants » (« evil ») et disaient du très conservateur Jacob Rees-Mogg qu’il « rendrait un service au genre humain s’il quittait la politique ».
Au-delà du scandale que représente cette ingérence sournoise des banques dans le monde politique et, par là, dans le système démocratique, ce qui frappe ici c’est la capacité de Nigel Farage de transformer une affaire d’injustice personnelle en une croisade nationale, capacité qui fait de lui un des hommes politiques les plus influents de notre époque outre-Manche. Pour ceux qui souhaiteraient l’écouter et le rencontrer prochainement en personne en France, Nigel Farage participera, les 10 et 11 novembre prochains à Paris, à la première édition de la Worldwide Freedom Initiative, un forum qui sera une première dans son genre et par son échelle et dont l’objectif est de rassembler les leaders conservateurs du monde entier.
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