Les charges contre Hugo Auradou et Oscar Jegou, poursuivis par la justice argentine après une accusation de viol qui serait survenu dans la nuit du 6 au 7 juillet dans un hôtel à Mendoza, pourraient être abandonnées. Mais, Didier Codorniou, candidat à la présidence de la Fédération Française de Rugby (FFR), estime qu’ils devraient tout de même être sanctionnés.
Je crois bien avoir levé un lièvre. Je m’aventure sur des terres habituellement réservées à d’autres sur Sud Radio : le rugby. L’affaire Auradou-Jégou va susciter un nouveau débat : faut-il supprimer la troisième mi-temps ?
Une affaire judiciaire qui percute une élection capitale
Les deux rugbymen français qui devraient obtenir un non-lieu le 18 octobre prochain ont déjà réintégré leurs clubs. Mais cette affaire percute l’élection du président de la FFR. L’occasion pour le sortant Florian Grill et le challenger, Didier Codorniou, de se lancer dans une compétition de vertu. C’est à celui qui sera le plus raide.
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Hier, M. Codorniou donne un entretien à l’AFP. Selon lui, MM. Auradou et Jégou n’auraient pas dû recommencer à jouer : « Deux joueurs qui portent le maillot de l’équipe de France et rentrent alcoolisés à cinq heures du matin doivent être sanctionnés. J’aurais aimé que la fédération puisse le faire ». Tout le monde a bien compris que c’était en réalité une pique, une pierre lancée dans le jardin de M. Grill, lequel expliquait lundi, toujours à l’AFP, qu’il n’avait pas sanctionné les deux joueurs faute de règles : « Le cadre n’était pas clair et une forme de cadre souple était même admise ». Traduction: c’était la troisième mi-temps, et ça ne choquait personne… Prenez garde, ça va changer ! Si Florian Grill est reconduit, il annonce qu’il fixera « un cadre clair qui permettra de sanctionner. Nous n’aurons pas la main qui tremble ». Le résultat d’accusations de viol très probablement fausses et opportunistes, c’est donc que tout le rugby français va être mis au régime sec.
Un peu de tenue !
On peut exiger une certaine tenue de la part des joueurs, dira-t-on, quand ils portent le maillot de l’équipe de France. Oui, mais uniquement quand ils sont dans une position de représentation (rappelez-vous de nos footballeurs débraillés, les écouteurs dans les oreilles, c’était assez déplorable, par exemple).
Mais j’imagine que nos rugbymen ne portent pas le maillot bleu en boite de nuit… À l’étranger, ils devraient surtout être plus prudents, car ils sont des proies pour les chasseuses de primes. Il faut aussi qu’ils soient un peu discrets, qu’ils se méfient des réseaux sociaux et ne fassent pas preuve de trop de vantardise. Mais le reste, c’est leur vie privée. Je vous vois venir avec l’exemplarité… Nos sportifs doivent être des exemples pour la jeunesse. Admettons : ce sont des exemples de courage et de dépassement de soi. Mais certainement pas des exemples de morale et de vertu. Qui décide de ce qui est moral ou vertueux, d’ailleurs ? Ce n’est quand même pas la FFR ! Désolé, pour ma part, je ne trouve pas immoral d’aller en boite de nuit, d’avoir des relations sexuelles consenties et même de boire. C’est peut-être stupide, nocif et concernant l’alcool il faut bien sûr le boire avec modération, mais nos sportifs sont des adultes.
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Je ne vous refais pas ici le coup de la « tradition ». Les sacrifices humains étaient une tradition chez les incas, et je ne vais pas les recommander pour autant. Ce n’est donc pas au nom de la tradition qu’il faut défendre la troisième mi-temps, mais au nom de la liberté. Ras-le-bol des dames patronnesses et des ligues de vertu. Si le plaisir est souvent déraisonnable, il n’est pas immoral.
Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio
Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale de Jean-Jacques Bourdin