Le 24 octobre, aux alentours de huit heures du matin, les agités du bocage nantais qui jouent à la guérilla contre la construction du nouvel aéroport de Nantes se sont couverts de gloire. Ils ont réussi à tromper la vigilance de la sécurité de la Maison de la Radio (dont, sans doute, l’essentiel de l’effectif était soit en RTT, soit en congé maladie du vendredi). Le commando, conduit par une jeune femme intrépide, fit irruption dans le studio des « Matins » de France Culture, alors que Marc Voinchet discutait doctement de l’élection présidentielle américaine avec le politologue Zaki Laïdi. Le directeur de la rédaction de France Culture, Jean-Marc Four, négocia le retrait du commando contre la lecture, à l’antenne, d’un texte préparé par les intrus. France Culture, qui soigne son image de radio de gauche ouverte et tolérante, n’a pas eu le courage d’adopter la seule ligne capable de décourager de futurs envahisseurs : couper l’antenne, et enfermer les braillards dans le studio jusqu’à l’arrivée des flics.
Ainsi eûmes-nous droit à la lecture d’un manifeste appelant le peuple de France à se lever en masse contre l’installation, sur la commune de Notre-Dame-des-Landes, d’un espace comportant des pistes goudronnées, une tour avec un machin en forme de croissant qui tourne sans arrêt et d’un bâtiment alliant avec élégance le béton, le verre et le métal. Certains appellent cela un aéroport, l’aérodrome étant maintenant réservé aux aéronautes de loisirs qui font, le dimanche des ronds dans le ciel avec leur ULM.
Toute la batterie d’arguments lacrymogènes est convoquée par les opposants à cet aéroport pour inciter ceux qui ne connaissent rien à la question à rejoindre le combat anti aéronautique : les pauvres paysans chassés de la terre de leurs ancêtres (alors que la plupart des exploitants concernés ont pris comme une aubaine les indemnisations d’expropriation), les nuisances liées à un trafic aérien accru (alors que le nouvel emplacement évitera aux avions de survoler, comme aujourd’hui, l’agglomération nantaise avant d’atterrir) et autres balivernes écolo-décroissantes. Bref, en dépit de son nom ruisselant d’eau bénite, cet aéroport serait un projet luciférien servi par l’ancien maire de Nantes et actuel premier ministre Jean-Marc Ayrault, élégamment rebaptisé Ayrault-porc par nos spirituels squatters de prairies.
Parmi les arguments lancés par les opposants, il en est un qui pourrait donner à réfléchir : comme le TGV Ouest va être prolongé en grande vitesse jusqu’à Nantes et Rennes dans la décennie à venir, pourquoi investir dans un aéroport coûteux, alors que l’on pourra aller en moins de deux heures prendre l’avion à Roissy ? Evidemment… Sauf que l’évolution des flux de voyageurs en Europe, à la suite du développement des compagnies à bas coût, montre que les liaisons aériennes intra-européennes ne passent plus nécessairement par les énormes aéroports internationaux style Roissy, Francfort ou Londres Heathrow. Il n’aura échappé à personne que la Bretagne se situe à l’extrémité ouest de l’Europe, et que son accès pour les étrangers désireux d’en goûter les charmes touristiques et gastronomiques est relativement compliqué, exigeant des transferts air-rail coûteux et peu commodes… Les nouvelles classes moyennes de Prague, Budapest ou Varsovie ont choisi de visiter Paris pour leur premier voyage en France, et seraient volontiers, pour la suite, disposées à découvrir cette France atlantique si exotique pour des centre-européens avides d’embruns et d’air iodé. Mais si Venceslas souhaite inviter sa copine Jaroslava à passer un week-end prolongé à Saint-Malo à l’occasion de la Saint Valentin, il en sera vite dissuadé par la complexité et la longueur du parcours le conduisant de la ville de Jan Hus à celle de Surcouf…
Alors il choisira le petit vol pas cher et sympa qui conduira directement les tourtereaux à Pise, qui a su, il y a dix ans, développer un aéroport amenant directement vers la Toscane tous ceux qui ont la bonne idée de venir en goûter les charmes, sans avoir à transiter par les couloirs interminables des aérogares de Rome ou de Milan… Cela vaut également pour les Anglais, dont l’attirance pour la Bretagne ne s’est jamais démentie, et qui viendraient encore plus nombreux exposer leur peau laiteuse au redoutable soleil armoricain (là, j’en rajoute un peu, mais à la guerre comme à la guerre). Le tourisme, ça compense les déboires à l’exportation, et résiste fort bien aux délocalisations.
Cet aéroport est donc une excellente idée, d’autant plus que ce n’est pas l’Etat qui en est le principal financier, mais la société Vinci, concessionnaire du nouvel aéroport. Notre Dame des Landes, priez pour nous et accueillez les avions avec votre sourire si doux…
*Photo : ponte1112.
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