À gauche, c’est le festival des tartuffes. Après la réintégration, au sein de la Nupes, d’Adrien Quatennens (LFI), lequel avait giflé sa compagne, on surjoue l’indignation, malgré l’autocritique publique du député qui parle de ses progrès comme le ferait un alcoolique repenti… L’analyse de Céline Pina.
Jamais la conjoncture n’a été aussi favorable à la gauche, le gouvernement ayant réussi l’exploit d’apparaitre comme un détricoteur des protections sociales des Français sans avoir montré une quelconque capacité à redresser économiquement le pays, ni même obtenu des résultats probants en matière de réindustrialisation. Le tout en offrant des perspectives tellement sombres pour l’avenir que les Français deviennent incapables de se projeter. Oui mais voilà, la Nupes, inféodée à Jean-Luc Mélenchon, n’a plus d’autre identité que celle d’excités pétris de ressentiment et avides de violence, se comportant comme un troupeau de petits commissaires du peuple à la belle époque du stalinisme ! Sous la houlette d’un chef incapable de se contrôler, elle n’offre aucune perspective sociale et se noie dans des histoires de cornecul, bien loin des préoccupations des Français.
Fin de purgatoire
Ainsi avons-nous droit à l’épisode du retour à l’Assemblée nationale du fils prodigue, Adrien Quatennens et au concours d’indignation stérile dont notre monde politique est coutumier. Condamné pour violences conjugales, le député Insoumis réintègre les rangs de LFI, donc de la Nupes, après un bref purgatoire chez les non-inscrits. Faute de pouvoir faire autre chose que de mettre en scène une indignation vertueuse, leurs postes ayant été en partie sauvés par l’accord électoral passé avec Mélenchon, le PS et les écologistes, qui jugent ce retour scandaleux, se contentent d’en faire des gorges chaudes – d’une manière d’autant plus démonstrative qu’ils savent pertinemment qu’ils devront avaler cette couleuvre sans la mâcher.
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Le fait est que le retour d’Adrien Quatennens est tout à fait légal. La question qui peut se poser ici est la légitimité de ce retour dans la mesure où LFI, Verts et PS essaient de surfer sur la vague Me Too, pour engranger les voix des femmes, selon la stratégie Terra Nova. Celle-ci pariait déjà, en 2012, sur l’instrumentalisation d’électorats minoritaires aux intérêts divergents pour se faire élire. C’est ainsi qu’il fallait investir non sur une démarche d’émancipation et de projet, risquant de faire comprendre aux publics cibles que leurs intérêts étaient loin d’être convergents, mais sur une logique de victimisation, les unissant contre un ennemi commun. Dans leurs représentations, les femmes sont ainsi transformées en bébés phoques, les hommes en prédateurs par nature et les islamistes, en victimes du racisme et de la phobie religieuse. L’idée n’est pas d’offrir une perspective politique, mais de désigner un ennemi, la société, vers laquelle orienter la haine que l’on suscite et alimente pour en faire un moteur de prise de pouvoir. Une stratégie qui en général détruit les écosystèmes politiques où elle est appliquée et n’offre un avenir qu’aux oligarques qui la maitrisent, tout en envoyant dans le mur les catégories sociales que l’on réussit à séduire.
Bal des faux-culs
Et le bal des faux-culs touche tous les échelons de la représentation nationale. Aurore Bergé a ainsi déposé l’autre jour une proposition de loi « pour créer une peine complémentaire d’inéligibilité pour celles et ceux qui auraient été condamnés pour faits de violences conjugales ou de violences intrafamiliales ». Quel assaut de pureté chez Renaissance ! Mais visiblement toutes les violences commises ne méritent pas le même traitement. On se souvient du député M’jid El Guerrab, qui faillit tuer un homme à coups de casque ; eh bien le groupe d’Aurore Bergé n’avait rien trouvé de mieux à faire que de continuer à le soutenir, textos d’Emmanuel Macron à l’appui. Il avait certes été exilé dans un autre groupe parlementaire mais il n’a jamais perdu le soutien en sous-main de LREM. L’homme finira même par être nommé au sein d’une commission d’enquête sur les violences liées à l’extrême droite… L’exemplarité en politique ne concernerait donc que la sphère des violences conjugales ? Le reste, violences envers un adversaire politique, appel à la haine, désignation de cibles comme les policiers à la vindicte populaire, détournement d’argent, consommation de cocaïne, maltraitance de ses collaborateurs, c’est autorisé ? Ainsi pendant que tout le monde se focalise sur Adrien Quatennens, une question bien plus essentielle n’est jamais abordée, celle de l’irresponsabilité politique de représentants qui, pour préserver leur petit pouvoir et leurs avantages, ont sacrifié l’intérêt général à leur intérêt personnel ou partisan (l’un nourrissant l’autre). Le rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France en est un bon exemple. Voilà ce que l’on peut lire dès l’introduction: « Cette histoire est celle de choix politiques et de débats de société tronqués. C’est la volonté d’imposer une opinion sans en partager et même en mesurer les conséquences ». Ces choix désastreux, faits pour des raisons d’accords électoraux, ont abimé notre capacité industrielle et fragilisé la nation, mais aucun des responsables politiques concernés n’aura à rendre de compte dessus. Il y a là un vrai problème démocratique, mais s’exciter sur l’affaire Quatennens est tellement plus facile que de réfléchir à la notion d’intérêt général et en retrouver le chemin. Cela permet de se tailler un costume de vertu en désignant un méchant qui joue le rôle de la copine moche: il n’existe que pour mettre en valeur la pureté morale de ceux qui le montrent du doigt.
Je sais qu’aujourd’hui il est très mal vu de considérer qu’une gifle dans le cadre d’un divorce n’est pas passible du tribunal de Nuremberg et ne signifie pas forcément que la femme est une femme battue et l’homme, un monstre. D’ailleurs quand une femme se rebiffe et gifle, elle n’a pas à rendre de comptes et ne se voit pas définie par la gifle donnée jusqu’à la fin de ses jours. On a tous connu des ruptures difficiles et, au moins dans son entourage, des séparations houleuses où les passions sont exacerbées. Dans une affaire familiale, Adrien Quatennens a été condamné. Il aurait pu choisir de retrouver une certaine légitimité morale en remettant en jeu son mandat. Cela n’a pas été son choix. Pour le reste son retour dans le groupe LFI n’a rien de l’affaire du siècle.
Les VSS, sujet porteur
En politique, le puritanisme et les leçons de morale n’ont pas vocation à tenter d’élever les hommes, ils visent surtout à diaboliser l’adversaire et à lustrer sa propre image. Les violences faites aux femmes sont un sujet porteur dans l’opinion, mais fondamentalement, la gauche actuelle se moque de la liberté et de l’indépendance des femmes. Elle investit la question des violences en niant une partie du fond culturel sur lequel ces violences sont appuyées. Elle réussit l’exploit de dénoncer le blantriarcat, patriarcat blanc et de soutenir le port du voile en le présentant comme une liberté, niant la situation d’infériorité des femmes dans les pays arabo-musulmans et le fait que cette infériorisation est de plus en plus marquée en France. La multiplication des voiles – comme le fait que celui-ci devienne le symbole de la bonne musulmane – ne les dérange absolument pas. Or le voile est un signe sexiste, qui fait de la femme un être inférieur et marque le refus d’accorder aux femmes la même dignité humaine que les hommes. Il n’y a pas pire atteinte à l’égalité qui est le fondement de notre contrat social. Eh bien cela passe crème.
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Alors oui, le retour d’Adrien Quatennens interroge sur l’hypocrisie de LFI, sur le fait que le chef, Jean-Luc Mélenchon, soit un autocrate qui impose ses choix et se moque de ses partenaires, sur le fait qu’à gauche la question des violences faites aux femmes est une imposture, mais rien de neuf sous le soleil finalement. Et comme de toute façon l’électorat LFI est celui du ressentiment et de la frustration, son rapport à la morale n’est pas une exigence d’éthique personnelle, mais un moyen d’instruire des procès tous azimuts envers ce qui n’est pas eux. À ce titre l’affaire Quatennens est certes gênante, mais pas rédhibitoire. Quant à l’avenir d’Adrien Quatennens, il n’est pas plombé. Winston Churchill disait : « On ne peut être tué qu’une seule fois au combat, mais plusieurs fois en politique. »