Accueil Culture «Adolescence», ou l’art de passer à côté des problèmes

«Adolescence», ou l’art de passer à côté des problèmes

La série Netflix fait débat


«Adolescence», ou l’art de passer à côté des problèmes
Owen Cooper dans "Adolescence" © Netflix

La « sentimentalité progressiste » de la dernière série de Netflix a tellement plu au Premier ministre Keir Starmer qu’il a décidé de la montrer aux ados dans les écoles britanniques ! En France, Elisabeth Borne s’y refuse. Toute la presse nous décrit cette fiction comme pertinente pour expliquer la violence adolescente, ou l’épidémie d’attaques au couteau. Elle est en réalité fort naïve. Grande analyse.


Dernière minute : Un adolescent de 16 ans a poignardé hier quatre élèves d’un lycée nantais, dont une mortellement, avant d’être maîtrisé par le corps enseignant et interpellé. Une conférence de presse du procureur est attendue à 18 heures. Le suspect a été hospitalisé en psychiatrie •

Adolescence met en scène Jamie, un jeune Anglais de treize ans, coupable du meurtre d’une camarade d’école à qui il a infligé, en pleine rue, pas moins de sept coups de couteau. Les quatre épisodes de la série nous montrent l’arrestation et l’interrogatoire du meurtrier, puis l’enquête de la police au sein de l’école, la confrontation du jeune garçon avec l’une des professionels chargés de l’expertise psychiatrique, et enfin la vie de la famille quelques mois plus tard, le jour de l’anniversaire du père, peu avant la tenue du procès.

Un étonnant succès

La série, signée Jack Thorne et Stephen Graham, réalisée par Philip Barantini, produite et diffusée par Netflix depuis mars dernier, s’inscrit davantage dans le genre du drame social que dans le genre policier. Konbini la décrit comme « le reflet d’un vrai problème de société » plutôt qu’une « simple fiction », s’interrogeant sur une “épidémie de crimes à l’arme blanche”, “phénomène inquiétant” qui sévit en Angleterre en parallèle à la diffusion de “discours masculinistes et misogynes”[1]. Dans une interview donnée au magazine Première, Stephen Graham précise d’ailleurs que la fiction est conçue de telle manière qu’on se demande pourquoi le crime a eu lieu, non qui l’a commis : le meurtre ayant été filmé par des caméras de surveillance, la culpabilité du collégien ne fait en effet, dès le premier épisode, aucun doute. Le spectateur est ainsi invité à observer le contexte général du crime, et les réactions qu’il engendre. L’ambition des scénaristes est ainsi formulée : “On voudrait que la série puisse être une étincelle qui ouvre le dialogue à la maison. Ou même à l’école. Voire au sein du gouvernement”[2].

https://www.youtube.com/watch?v=P91lSUOotAM

Il s’agissait donc bien de s’emparer non d’un fait divers, mais d’un phénomène de société qui mériterait une réponse politique. Le succès rencontré par la série dépasse les espérances des auteurs : non seulement elle semble avoir remporté la première place parmi les séries les plus regardées sur Netflix, mais Keir Starmer a décidé de mettre la fiction à la disposition des établissements scolaires, gratuitement, afin que tous les collègiens et lycéens du Royaume Uni puissent la visionner, s’en pénétrer, et en débattre.

Un auteur de fiction fait bien ce qu’il veut. Mais dès lors qu’un gouvernement s’empare de son œuvre comme d’une solution, les qualités et les défauts de l’œuvre ne relèvent plus seulement du jugement esthétique ou moral : en devenant un outil de propagande, ils prennent l’allure d’un révélateur politique, et son propos, sa forme, ses enjeux méritent d’être examinés avec un peu plus d’inquiétude.

Les raisons du succès tiennent évidemment à plusieurs facteurs. En premier lieu l’explosion des crimes par arme blanche que nous observons, dont les coupables comme les victimes semblent de plus en plus jeunes, ne peut à la longue laisser personne indifférent. Le meurtre dont il est question dans la série s’inscrit en outre dans le contexte d’un harcèlement sur les réseaux sociaux entre collégiens : autre phénomène de société. Le sujet doit donc, a priori, exciter à double titre la curiosité des spectateurs.  Par ailleurs, les scénaristes ont


Article réservé aux abonnés
Pour lire la suite de cet article et accéder à l'intégralité de nos contenus
Formule numérique dès 3,80€
Déjà abonné(e)  ? Identifiez-vous




Article précédent Tous accros au X!
Article suivant Le point sur Louis-Ferdinand Céline
est professeur de lettres dans un lycée de province.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération