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« Adieu, grammaire ! »


« Adieu, grammaire ! »
L'écrivain Serge Koster photographié en 1994 © ANDERSEN ULF/SIPA

Dans l’Obs du 07 février, Jérôme Garcin évoquait au détour d’une critique du livre de Fabrice Gaignault La vie la plus douce, son humeur mélancolique à l’égard de ces chers disparus si injustement oubliés du monde littéraire. Parmi eux, figurait Serge Koster. Entre parenthèses, remercions le carnet du jour du Figaro qui permit à la famille du défunt de rappeler ses qualités de critique littéraire et grammairien (Le Figaro du 20/01/2022). A cet égard, l’Adieu, grammaire !, qu’il fit paraître aux Puf en 2001, dans la collection « Perspectives critiques » (Prix de la critique de l’Académie française en 2002) n’est, hélas, toujours pas réédité. Rendons grâce à l’heureux marché du livre d’occasion qui offre, à peu de frais, une renaissance posthume aux œuvres des malheureux vaincus de la postérité littéraire. Fichtre ! En aura t-elle fait des victimes celle-ci.

Sans céder aux passions tristes, l’agrégé de grammaire qu’il fut – espèce en voie de disparition, s’il en est – sortit bien essoré de cette vingtaine d’années d’enseignement quand vint l’heure de sa retraite en 2001. Retraite bien méritée, si l’on en croit son ton désabusé, face à l’état des esprits de ces lycéens gagnés à l’avance par le bruit du monde et les mirages télévisuels. Depuis, l’accès universel au numérique n’a semble t-il fait qu’empirer le mal en rendant ces deux mondes encore plus poreux.

Pauvre profiteor ! Ils ne sont plus si nombreux sur le radeau à s’incliner comme lui devant cette plante ancienne aux parfums délicats nommée grammaire. Feu M. Koster, devait, à bien le lire, considérer cette école de pensée comme un presque Paradis perdu. Et c’est proprement une gageure que d’avoir voulu l’enseigner à des classes d’emblée peu enclines à son étude jugée trop aride, élitiste et donc inutile. Voire. Ces élèves rejoignaient, sans doute sans le savoir, l’avis d’Alexandre Vialatte qui voyait en la grammaire morphologique l’amie du désespoir.

Garcin nous révèle aussi que cet honnête homme vécut les affres de l’indifférence et du pilon. Ses livres sont pourtant du plus vif intérêt. En témoigne, cet Adieu, grammaire !, avec ses dix têtes de chapitre représentées chacune par une figure de style servant de base de lancement à ses réflexions puisées directement aux sources scolaires. Certes, le fond de sauce reste désabusé, mais il laisse surnager quelques anecdotes et remarques du meilleur cru. N’étant pas avare de confidences, l’auteur reconnaissait volontiers d’éclatantes et réitérées remontrances fuser en pleine classe, notamment quand celle-ci s’adonnait à son sport favori : la lente et grégaire exploration des abysses de la médiocrité. Enfin, professeur dévoué corps et âme à sa matière, ami de Michel Tournier, il fut aussi l’auteur du beau récit Je ne mourrai pas tout entier, paru chez Leo Scheer en 2012. Parmi foison de souvenirs, il y évoquait son sort d’enfant juif d’origine polonaise, né en 1940, recueilli et caché par des paysans sarthois sous l’occupation allemande. Par les temps qui courent, il serait pour le moins salutaire de voir l’œuvre de ce lettré à l’ancienne, figure parfaite de l’intégration à la française, rééditée. Au reste, braver comme il le fit les vents contraires formés par la sainte toise égalitaire, demeure une gymnastique toujours indiquée par les bons manuels.

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