Institution majeure vouée à la défense des droits constitutionnels, l’Union américaine pour les libertés civiles a été de tous les combats de l’Amérique moderne. Mais depuis l’élection de Trump, cette association, largement financée par les opposants au président, se mêle de politique et met en péril sa mission historique.
Alors qu’on s’inquiète des discours de haine et des propos offensants, il n’est pas inutile d’évoquer les cent ans de l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU), association à but non lucratif qui s’occupe de défendre les libertés garanties par la Constitution américaine. L’organisation n’a jamais autant fait parler d’elle qu’au moment de l’affaire Skokie. C’était en 1976 : le Parti nazi américain, dirigé par le militant néonazi Frank Collin, demande à manifester à Skokie. Or, dans cette banlieue de Chicago, résident 40 000 juifs dont 7 000 survivants de la Shoah plus que réticents à voir des svastikas défiler dans leur quartier. La perspective réveille la douleur des rescapés aux bras tatoués. Le cauchemar recommence. Le rabbin Meir Kahane, à la tête de la Ligue de défense juive, mobilise sa communauté : « Les nazis ne viendront pas à Skokie. Les laisser défiler, ce serait cracher sur la tombe de six millions de juifs. » La ville est en ébullition. Le maire de Skokie interdit la manifestation. Frank Collin, se considérant privé de son droit à la liberté d’expression, se tourne alors vers les puristes du premier amendement à la Constitution américaine. L’ACLU prend sa défense ; c’est David Goldberger qui plaide. L’affaire occupera la justice américaine pendant deux ans. Verdict : la Cour suprême accorde aux néonazis le droit de défiler.
Un avocat juif de gauche a défendu la liberté d’expression d’un juif néonazi pédophile converti en collectionneur de cristaux
Épilogue : Frank Collin, ayant eu gain de cause, renonce néanmoins à défiler à Skokie. Il manifestera à Chicago. Le 9 juillet 1978, lui et son escouade néonazie (ils sont une vingtaine) scanderont en vain leurs slogans racistes, submergés par leurs détracteurs, bien plus nombreux. « C’est pathétique, on ne peut même pas nous voir », se désolera Collin. L’autorisation de défiler aura été autrement plus efficace que son interdiction pour neutraliser le mouvement. Mais un autre coup de théâtre intervient quand on apprend que Frank Collin est juif. Il est le fils de Max Cohen, un rescapé de Dachau qui a changé son nom en émigrant aux États-Unis. Et l’histoire ne s’arrête pas là. Un an plus tard, Franck Collin est exclu de son parti et inculpé
