Sayyid Ata’ollah Mohajerani, qui a pondu un livre de 250 pages justifiant la fatwa contre Salman Rushdie, publié par l’état iranien, se retrouve ironiquement réfugié en Angleterre aujourd’hui…
Après la tentative d’assassinat de Salman Rushdie, le 12 août, par un Américain de famille libanaise, qui a exprimé sur les réseaux sociaux son enthousiasme pour le régime iranien, peu de politiques dans les démocraties occidentales ont eu le courage de nommer l’ennemi. La France est un des rares pays où une poignée a osé dénoncer l’« islamisme » plutôt que l’« obscurantisme » (voir l’article de Céline Pina dans le magazine de septembre, pages 28-29).
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Au pays où Rushdie a grandi, le Royaume-Uni, le manque de courage politique a été frappant. Mais il y a pire encore. En 1979, un étudiant, Sayyid Ata’ollah Mohajerani, participe à la révolution iranienne qui a porté au pouvoir le régime de la République islamique. L’année suivante, il devient député et continue à servir le régime au cours de cette décennie qui voit la mise à mort de milliers d’opposants. Quand, en 1989, l’ayatollah Khomeini lance sa fatwa enjoignant à tous les musulmans d’assassiner Rushdie sans délai, c’est à Mohajerani qu’incombe la tâche de justifier cette condamnation à mort. Travaillant sans relâche, il pond un livre de 250 pages publié par l’État iranien, qui connaîtra au moins 30 réimpressions dans cinq langues. La « Critique de la conspiration des versets sataniques » prétend démontrer pourquoi le roman de Rushdie est tellement blasphématoire que son auteur mérite la mort, tandis que toute défense du livre en Occident est attribuée à un vaste complot antimusulman. Après trois ans comme ministre de la Culture et de l’Orientation islamique entre 1997 et 2000, où il acquiert une réputation de modéré, Mohajerani est contraint, en 2004, de quitter son pays pour une affaire de mœurs. Et où trouve-t-il refuge ? En Angleterre, où le gouvernement de Blair veut encourager l’opposition prétendument modérée au régime des mollahs.
Aujourd’hui, il travaille pour une université londonienne et habite un quartier résidentiel près d’une des maisons où Rushdie a été obligé de se cacher. Mohajerani n’a cessé de défendre son livre, même après l’attaque du 12 août, qu’il qualifie d’incident « tragique ». Sa justification ? Il n’a fait qu’écrire un livre.