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Accords de 1968 mystérieusement intouchables: les Algériens pas concernés par la Loi immigration

C’est pourtant près du ⅓ de l’immigration !!


Accords de 1968 mystérieusement intouchables: les Algériens pas concernés par la Loi immigration
Les présidents Macron et Tebboune, Alger, 25 août 2022 © ELIOT BLONDET-POOL/SIPA

Délit de séjour irrégulier, OQTF, accords de 1968 : examen du contenu de la Loi Immigration. En coulisses, l’entourage d’Edouard Philippe et les milieux diplomatiques marocains fulminent…


Les débats puis le vote de la Loi Immigration ont fait l’effet d’un révélateur majeur des profondes dissensions au sein de la classe politique française, singulièrement au sein de la majorité présidentielle qui s’est déchirée. Jugée comme appartenant au registre politique de « l’extrême-droite » par la gauche en voie de sédition, les départements socialistes et la mairie de Paris ayant déjà déclaré qu’ils refuseront d’en appliquer l’essentiel des innovations, le contenu de cette loi n’est en réalité que peu connu des Français. En outre, certaines dispositions défendues au Sénat n’ont pas été retenues par l’effet de jeux politiques d’alcôves qui sont encore largement ignorés, à l’image des épineuses questions relatives aux OQTF et aux accords bilatéraux franco-algériens de 1968.

La philosophie de la loi présentée par l’exécutif était la suivante : articuler la régularisation temporaire des étrangers pour palier des demandes du MEDEF dans les métiers en tension et mieux exécuter les expulsions des étrangers indésirables. Qu’en est-il à l’arrivée ? Au terme de neuf mois de débats houleux qui ont conduit à des bras de fer entre la majorité et les Républicains en Commission mixte paritaire, les parlementaires ont finalement accouché d’un compromis déjà partiellement remis en question par l’exécutif qui espère que certaines dispositions seront censurées par le Conseil Constitutionnel. Pour l’heure, nous allons revenir sur les articles les plus importants qui ont été adoptés.

Ce que la loi contient

Le premier d’entre eux est l’allongement du délai nécessaire pour obtenir les prestations sociales. Les étrangers hors Union européenne devront ainsi pouvoir justifier de 30 mois de présence en France pour en bénéficier, notamment les allocations familiales. S’ils ne travaillent pas, le délai est allongé à cinq ans. Un même raisonnement a été appliqué aux aides au logement communément nommées APL, puisque les non-travailleurs devront attendre cinq ans avant de les toucher contre trois mois pour les étrangers qui travaillent. Néanmoins, les personnes ayant le statut de réfugiés ou une carte de résident ne seront pas concernées par ces dispositions, alors que les premiers sont l’un des nœuds du problème, de nombreux prétendus « réfugiés » étant en réalité des migrants économiques. Considérées comme consacrant le principe de « préférence nationale », ces mesures sont pourtant parfaitement classiques au sein de l’Union européenne ! De la même manière, un étranger ne peut pas être fonctionnaire ou exercer certains métiers dans le commerce. C’est pour cette raison que la nationalité confère la citoyenneté.

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Parmi les autres innovations qui suscitent le courroux de la gauche figure notamment une atténuation très partielle du « droit du sol » – la France a pour règle de principe le droit du sang depuis 1804 et l’adoption du Code Civil, mais passons -, puisque les  personnes nées en France de parents étrangers devront faire une demande d’obtention de nationalité entre 16 et 18 ans. Le « regroupement familial » a aussi été durci. Les demandeurs auront l’obligation de justifier une durée minimale de séjour de 24 mois, de disposer d’une assurance maladie mais aussi de prouver qu’ils ont des ressources régulières et suffisantes pour en jouir. L’âge minimal du conjoint sera de 21 ans contre 18 aujourd’hui. Il me semble que nous sommes très éloignés de mesures d’extrême-droite, s’agissant d’un durcissement très relatif des conditions d’entrée et de séjour sur le territoire français.

Certaines mesures sont même plus douces, à commencer par la régularisation des « sans-papiers » qui sera maintenant soumise à l’aval des préfets qui accorderont les titres de séjours à ceux qui travaillent dans les « métiers en tension » pour une durée d’un an à condition que le salarié en situation d’illégalité ait résidé trois ans en France et exercé au moins 12 mois d’activité sur les deux dernières années. Un travailleur sans-papiers aura le pouvoir de demander sa régularisation sans l’aval de son employeur. Horreur pour les humanistes, de LFI à Sacha Houlié, les étrangers ayant fait l’objet d’une condamnation inscrite au casier judicaire ne pourront pas profiter du dispositif ! Quasiment le nazisme, vous dit-on… 

Le délit de séjour irrégulier est enfin en partie rétabli après sa suppression il y a 11 ans par la gauche au pouvoir, dans une version très molle, puisqu’il n’y aura pas de peine de prison comme c’était autrefois le cas mais une simple amende de 3 750 euros.

Ce que le la loi ne contient pas

La loi n’a pas annulé les accords bilatéraux de 1968 entre la France et l’Algérie en dépit des souhaits manifestés par toute la droite, jusque dans les rangs de la majorité puisque l’ancien Premier ministre Edouard Philippe a défendu cette idée. Pour en avoir parlé avec différentes personnalités de premier plan, jusque dans l’entourage proche de monsieur Philippe à Horizons, ce sujet fut tabou pour Emmanuel Macron et Gérald Darmanin. Les deux hommes ont refusé avec force que la Loi Immigration s’applique aux ressortissants algériens, alors que ces derniers représentent entre 20 % et un tiers des arrivées d’étrangers sur notre territoire annuellement. Pis, tous les milieux informés savent que le régime, qui nous est d’ailleurs hostile sur d’autres fronts, a pris l’habitude de vider ses hôpitaux psychiatriques et ses prisons en France.

Depuis plusieurs années, Emmanuel Macron se montre très accommodant avec le régime de monsieur Tebboune. Des personnalités de premier plan ont notamment souligné le fait qu’il a personnellement poussé le groupe Renaissance au Parlement européen à adopter une résolution condamnant l’État de droit au Maroc tout en refusant de faire de même pour l’Algérie, pays dont on sait qu’il jouit d’une presse d’une grande liberté de ton… Il s’avère qu’Emmanuel Macron pense qu’il sera l’artisan de la grande réconciliation entre nos deux pays. Cette réconciliation doit-elle passer par le maintien d’une inégalité de traitement en matière migratoire à l’endroit d’un pays qui nous a accusés de tuer les siens lors de l’affaire Nahel, ajoutant encore un peu plus d’huile à un feu très nourri ?

Habitants d’Alger, fête de Aid el Kebir, 25 juin 2023 © Guidoum/PPAgency/SIPA

L’autre question sensible passée sous les radars est celle de l’effectivité des obligations de quitter le territoire français. Il est prévu que le budget consacré à la question augmente de 40 millions d’euros. Une goutte d’eau dans l’océan, car, à en croire Gérald Darmanin, un très petit nombre d’entre elles seraient concrètement exécutées. Le ministre de l’Intérieur a souvent expliqué, d’ailleurs à juste titre, que les pays d’origine rechignaient à délivrer les « laissez-passer consulaires » nécessaires aux expulsions. En juin dernier, Alger a d’ailleurs suspendu leur délivrance. Le ministère avait alors fait savoir qu’il ne ferait « aucun commentaire ». Alger agissait alors en réaction à l’affaire Amira Bouraoui, du nom de cette gynécologue militante du mouvement du Hirak qui avait manifesté son opposition à l’ex-président algérien Bouteflika. Il s’agissait d’un prétexte trouvé pour faire pression et s’assurer que les accords de 1968 ne seraient pas touchés par la loi en cours d’élaboration.

De son côté, le Maroc assure pourtant à qui veut bien les entendre qu’un très petit nombre de demandes de laissez-passer consulaires lui seraient adressées par les autorités comparativement au nombre d’OQTF, ce qui empêcherait de facto leur délivrance. Il ne s’agirait donc pas de mauvaise volonté de leur part, mais bien d’une absence de connaissance des cas. Le mystère reste entier…



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Gabriel Robin est journaliste rédacteur en chef des pages société de L'Incorrect et essayiste ("Le Non Du Peuple", éditions du Cerf 2019). Il a été collaborateur politique

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