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Abolissons les banques centrales !

Les banques centrales : un engrenage défaillant de la machine capitaliste


Abolissons les banques centrales !
Charles Gave. © Hannah Assouline

Selon l’entrepreneur et essayiste Charles Gave, qui est aussi actionnaire de Causeur, il est urgent d’abolir les banques centrales, qui ne font qu’entretenir des Etats de plus en plus dépensiers et mauvais payeurs. Il prône leur fusion avec les ministères des Finances et l’adoption de lois bannissant tout déficit budgétaire.


La thèse que je vais défendre ici est que les banques centrales de nos pays n’ont fait que des dégâts depuis un siècle, ne servent plus à rien et devraient donc être fermées. Pour expliquer cette position, il me faut d’abord expliquer pourquoi elles ont été créées.

Revenons en arrière, au début du capitalisme et donc à mon schéma de base, où coexistent trois acteurs.

1. Le rentier, qui ne veut pas perdre d’argent et qui dépose cet argent à la banque.

2. Le banquier, qui reçoit ces dépôts et garantit leur remboursement en mettant en face son capital, investi en or.

3.  L’entrepreneur, qui a toujours besoin d’argent et dont tout le monde sait qu’il peut tout perdre.

Le rôle du banquier est d’intermédier le risque de la faillite de l’entrepreneur entre ce dernier et le rentier. Par exemple, le banquier prêterait à 6 % à l’entrepreneur, tout en versant 2 % au rentier. La différence sert à faire tourner sa boutique et couvrir les pertes des entrepreneurs qui ne pourraient pas le rembourser.

Le banquier est devenu un vil spéculateur !

Mais le banquier se rend compte assez vite que tous les déposants n’ont pas besoin de leur argent en même temps et que seulement 10 % d’entre eux réclament du cash à tout moment. Il va donc se transformer en vil spéculateur et prêter des sommes dix fois plus importantes que les dépôts. En ce faisant, il se met à créer de la monnaie, ce qui amène à ce qu’il est convenu d’appeler le cycle du crédit.

Cette monnaie nouvellement créée se transforme en dépôts chez lui ou chez ses concurrents, ce qui permet aux taux d’intérêt de baisser et donc à plus d’entrepreneurs d’emprunter, ce qui crée plus de dépôts et ainsi de suite, et tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.

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Mais, à chaque cycle arrive un moment où des affaires font faillite, ce qui conduit à une baisse des fonds propres du banquier, qui demande aux autres entrepreneurs de le rembourser, ce qu’ils ne peuvent pas tous faire, ce qui amène à de nouvelles faillites. La masse monétaire se met à baisser, les taux montent brutalement, ce qui entraîne de nouveaux dépôts de bilan. Les banques elles-mêmes commencent à sauter, les épargnants retirent leur argent de la banque, des affaires parfaitement saines disparaissent brutalement et une déflation-dépression se met en place, qui d’habitude dure une dizaine d’années.

Et c’est à cause de ce cycle du crédit que les banques centrales ont été créées pour remplir deux rôles.

1.  Vérifier que les fonds propres des banques sont au minimum à 10 % des prêts consentis à tout moment.

2.  En cas de crise de liquidité, fournir des liquidités aux banques commerciales en escomptant les créances qu’elles détiennent sur les entrepreneurs, ce qui permet aux banques de rembourser (ou rassurer) les déposants et ne pas sauter.

Le plus souvent, ces banques centrales étaient de droit privé et n’avaient rien à voir avec l’État.

Depuis la création de la Fed, en novembre 1913, le dollar en tant que réserve de valeur a perdu 99 % par rapport à l’or

Arrive le xxe siècle, siècle des totalitarismes, des guerres mondiales et du social-clientélisme. Les besoins financiers des États explosent, et bien entendu, le contrôle de la monnaie, et donc des banques commerciales et des banques centrales, passe à l’État. Et ce qui devait arriver arriva. La monnaie n’est plus créée pour financer des investissements, mais pour servir les besoins de l’État, et ces prêts ne sont jamais remboursés à la différence des prêts au secteur privé. La masse monétaire explose et la hausse des prix suit.

Bientôt, il faut couper le lien entre la valeur de la monnaie et l’or, les monnaies deviennent des monnaies « FIAT » n’ayant de valeur que les unes par rapport aux autres. Le cours de l’or, quant à lui, passe au travers du toit.

Et comme augmenter les impôts est trop impopulaire, si le politicien cherche à se faire réélire, la solution est de fabriquer de la monnaie en créant de la dette qui sera achetée par la banque centrale.

Et du coup, les monnaies FIAT qui devraient servir de moyen d’échange, étalon de valeur et réserve de valeur, perdent d’abord leur fonction de réserve, avant de perdre celle d’étalon de valeur, et cela se termine en général avec le refus d’utiliser la monnaie dans les transactions, et donc la perte de la troisième fonction.

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Imaginons que mon grand-père ait mis dans son coffre, il y a cent dix ans, 100 dollars en billets de banque et la contre-valeur de 100 dollars en pièces d’or. Si je déflate la valeur des deux aujourd’hui par l’indice des prix de détail américain, mes 100 dollars en billets ont aujourd’hui un pouvoir d’achat de 3,2 dollars, tandis que mes pièces d’or valent 345,6 dollars.

Si je fais l’hypothèse qu’un gramme d’or vaut toujours un gramme d’or, alors cela veut dire que depuis la création de la Fed, en novembre 1913, le dollar en tant que réserve de valeur a perdu 99 % par rapport à l’or. Le dollar n’a pas été une réserve de valeur. Du coup, les pays exportateurs de pétrole demandent à être payés en autre chose que du dollar, ce qui veut dire que le dollar cesse d’être un étalon de valeur. L’étape finale est bien entendu que le dollar cesse d’être un moyen d’échange, ce qui se traduira par une fuite devant la monnaie et une hyperinflation galopante.

Que faire ? Le plus simple est de fusionner les BC avec les ministères des Finances, pour en finir une fois pour toutes avec la fiction de la compétence des banques centrales, et de bannir dans la foulée tout déficit budgétaire par des lois constitutionnelles, tout en interdisant aux banques commerciales d’acheter des obligations d’État.

La monnaie est une chose trop sérieuse pour en laisser le contrôle à des banquiers centraux. Les essais par les Brics de créer une monnaie alternative et l’émergence du Bitcoin sont la preuve que de nouvelles forces sont en train d’entrer en jeu.

En attendant, ne conservez rien dans vos portefeuilles qui dépende de la garantie d’un État de l’OCDE, rien.

Juin2024 - Causeur #124

Article extrait du Magazine Causeur




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Charles Gave est économiste et financier. Il est président de l'Institut des libertés et actionnaire de Causeur.

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