L’abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes intervient… le jour même de l’annonce par le Canard enchaîné du redressement fiscal de la Société Générale. Coïncidence ?
Emmanuel Macron est un capitulard, mais il est très malin.
J’avais dit dans ces colonnes que l’abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes était une catastrophe politique qui, au-delà de la réalisation même de ce projet, portait un coup très dur aux procédures administratives qui organisent et régulent l’aménagement du territoire. Depuis maintenant près de trente ans, tous les acteurs, dont je fais partie, ont patiemment mis en place un ensemble de règles qui permettaient de marier l’aménagement et la protection de l’environnement. Études préalables, dossiers de création, études d’impact, concertations, enquêtes publiques, processus de maîtrise foncière, rôle des collectivités locales, contractualisation des missions, cela prenait du temps mais, une fois les décisions prises et validées, on pouvait envisager la réalisation d’équipements publics.
In memoriam l’autorité de l’Etat
Après le petit projet local de la retenue collinaire d’irrigation de Sivens voulue par des agriculteurs locaux pour vivre et travailler au pays, voilà qu’un projet d’importance, que tous les arbitrages démocratiques rendus avaient permis, vient lui aussi d’être abandonné en rase campagne. Pour complaire à une minorité bruyante et par refus de faire respecter l’autorité de l’État. J’ai enseigné les droits de l’urbanisme et de l’environnement pendant des années à l’université. Aujourd’hui, cet enseignement serait vraiment inutile, puisque ce sont les analphabètes juridiques-experts que l’on trouve sur la toile qui décident.
Tant pis. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, je sais bien que l’agrandissement de l’aéroport de Nantes Atlantique ne se fera jamais. Et je dois dire que, personnellement, je m’en fous un peu, car cela n’aura aucune conséquence sur ma vie de tous les jours. Et puis, déplorer la disparition de l’autorité de l’État, c’est céder à la nostalgie. Ce qui me chagrine un peu plus, c’est le gaspillage financier, déjà décrit dans ces colonnes. Comme, malheureusement, tous les experts et opposants qui se réjouissent du viol de l’État de droit ne seront pas mis directement à contribution (alors que ce serait normal), je sais que mon porte-monnaie de contribuable va être sollicité. C’est très injuste mais c’est comme ça.
Société Générale, un redressement qui tombe à pic
Sauf qu’en fait, il est peut-être possible que non. J’avais décrit comment à l’aide d’une jolie acrobatie, le gouvernement avait payé un solde de 350 millions d’euros à la société autrichienne Écomouv après l’abandon du projet des portiques. Une amende forfaitaire d’un montant similaire, négociée avec la banque HSBC en contrepartie de l’abandon de poursuites pour blanchiment de fraude fiscale, était miraculeusement tombée au même moment. Eh bien, il semble que la méthode inspire les fonctionnaires de Bercy qui viennent de trouver la recette qui pourrait permettre d’éponger la dette de l’État vis-à-vis des entreprises contractuellement chargées de la réalisation de l’aéroport (et de nous apprendre le montant de la facture de l’abandon de Notre-Dame-des-Landes ?).
C’est tombé, ce matin : selon le Canard enchaîné, la Société Générale serait l’objet d’un redressement fiscal de 2,2 milliards d’euros dans la fameuse affaire Kerviel. Les indécrottables ont immédiatement triomphé en clamant à nouveau que c’était bien la preuve que Kerviel était innocent. On va surmonter notre lassitude et rappeler que la Cour d’appel l’a condamné définitivement et qu’il est donc coupable. Mais la Cour de Versailles a considéré que la Société Générale, quoique victime des délits, ne pouvait obtenir l’imputation de la totalité du préjudice à Kerviel. La juridiction a en effet jugé que la responsabilité de la banque était engagée pour avoir permis par son incurie la commission des infractions par son employé. Une partie du préjudice restait donc à sa charge. Cette décision, qui n’avait pas de portée fiscale directe, pouvait être interprétée comme ayant des conséquences sur l’ampleur des pertes portées au bilan de la Soc Gen et déduites du bénéfice de l’année de référence. Au moment de l’arrêt de la Cour de Versailles, l’hypothèse d’un redressement avait été évoquée dans les couloirs de Bercy. Un redressement très discret aurait été notifié, « au printemps dernier » nous disent les gazettes. Puis plus rien, jusqu’au 16 janvier…
Complotistes !
On va bien sûr nous dire, la main sur le cœur, que la concomitance avec la décision d’abandon annoncée le lendemain est tout à fait fortuite. Que va-t-on imaginer, il faut être un vil complotiste, propagateur de « fake news », pour arborer ce sourire goguenard. On ne perd rien pour attendre, avec la future loi Macron pour punir les menteurs, on va s’occuper de notre cas !
Il serait surprenant que les négociations avec Vinci sur le montant du chèque à recevoir n’aient pas déjà été bouclées. La décision d’abandon était probablement prise depuis un moment. Le seul problème était alors l’habillage.
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