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Abandon de poste: légal mais pas moral!

Un coup de gueule signé Sophie de Menthon


Abandon de poste: légal mais pas moral!
Image d'illustration Unsplash

À force de vouloir protéger les salariés, ce qui part non seulement d’un bon sentiment mais d’une nécessité, on a introduit un laxisme volontaire qui les éloigne de plus en plus souvent de l’éthique et de leur responsabilité par rapport au travail.


Trop cool : « j’ai fait le tour de mon boulot et j’ai envie de changer », qu’à cela ne tienne, la législation compréhensive a inventé « l’abandon de poste », il suffit de ne pas se présenter à son travail et surtout ne pas céder à la tentation, au cas où vous auriez envie un jour d’ennui d’y retourner ! À la deuxième lettre recommandée de votre patron, pas de problème vous êtes viré automatiquement et au chômage direct… Alors évidemment il y a la majorité de salariés qui n’utiliseraient pas cet avantage. Mais il y a aussi toutes les professions en tension, les petits salaires ou les jeunes qui étrennent leurs premiers emplois qui consomment cette prise en charge en toute sécurité… L’avantage certes, c’est que cela ne coûte rien à l’employeur (quand même !), ce qui rend le procédé doublement pervers, car si vous ne voulez pas supporter le coût d’un licenciement, la technique est avantageuse avec l’accord des deux partis. 

Avons-nous les moyens de jouer ce jeu pervers ? Les moyens financiers de l’UNEDIC bien sûr, et les moyens psychologiques de laisser s’installer ce type de pratique ? C’est de la malhonnête intellectuelle, ni plus ni moins, mais c’est être malhonnête aussi vis-à-vis de la collectivité. Sous un autre angle, c’est de l’abus de bien social, même s’il ne trouble plus grand monde. Légal, mais pas moral !

Le travail c’est la santé !

Et pendant ce temps-là on se met en quatre pour trouver des salariés, pour les inciter à revenir dans les entreprises, pour les motiver, leur créer des conditions de travail où le bien être est le mot d’ordre. Les stages sur « la promotion des comportements bienveillants au sein des organisations » et les ouvrages en la matière pullulent sur le thème de la bienveillance au travail, du développement personnel pour se protéger d’un « travail qui procure une forte source de stress dont l’impact peut être ravageur… » etc.  

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Le mieux est l’ennemi du bien : nous construisons une société de guimauves ! Plus nous dénonçons les dangers du travail, sinon imaginaires du moins médiatisés à outrance, plus nous incitons nos congénères à en demander plus. Nous n’apprenons plus aux enfants, aux femmes, aux salariés, aux Français en général à se défendre seuls, à relativiser, à faire preuve de responsabilité individuelle, nous les fragilisons de plus en plus. Et nous n’avons apparemment aucune intention d’entraver les actes répréhensibles de ceux qui abusent dans tous les domaines. 

Ainsi, la démission n’existe pratiquement plus, car elle nécessite une prise de risque. La prise de risque serait à éviter à tout prix… ce qui est absolument contre-productif avec la vie elle-même. Choisir c’est renoncer, renoncer est un risque. 

De la même façon, la « rupture conventionnelle », qui est une avancée certaine dans la séparation entre un employeur et un salarié, n’a-t-elle pas été également détournée pour un confort salarial répréhensible ? Rappelons que cette forme de départ permet de ne pas faire peser des menaces prudhommales sur le chef d’entreprise qui se met d’accord sur une transaction financière… sauf que le salarié qui veut partir impose cette rupture à son employeur qui lui n’a aucune envie de s’en séparer ! Et le salarié de bénéficier du chômage pour chercher autre chose ou prendre un peu de vacances… Il suffit de refuser, objecterez-vous ? Pas du tout, car les habitudes professionnelles ont évolué de telle façon que vous êtes assuré en cas de refus de subir non seulement la désimplication de l’intéressé mais une série d’arrêts maladie qui, dans les PME en particulier, empoisonnent le quotidien et le climat social. Rappelons tout de même que 425 000 ruptures conventionnelles ont été signées et que cette tendance ne cesse d’augmenter depuis 2008… Chantage légal et admis ! 

Droits et devoirs de la nouvelle génération de travailleurs

Les jeunes en particulier, élevés avec la méfiance de l’entreprise au sein de laquelle ils seront forcément exploités, arrivent forts de leurs droits, du niveau de salaire auquel ils ont « droit », et avec un sens extrêmement limité de leurs « devoirs ». Dérive d’une société de droit ? L’abus de droit ne concerne que les chefs d’entreprise, jamais les salariés, est-ce normal ?

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Dans ces circonstances, on ne peut passer sous silence la complicité du corps médical qui distribue les arrêts maladie sans vergogne, sans mesure, sans vérification (les exceptions confirment la règle). On remarque d’ailleurs une hausse générale des arrêts maladies, surtout les arrêts longs avec une moyenne de 94 jours. Il faut dire que se plaindre de burn-out est devenu aussi courant qu’un rhume… Comment vérifier ? Et encore ce n’est rien à côté de « l’inaptitude professionnelle » qui elle, dispense de tout travail la personne concernée.

Il est très important de dénoncer ces dérives en une période où on trouve d’immenses difficultés à recruter alors que le chômage demeure. Il est vrai que le gouvernement dans sa grande sagesse a su préserver au mieux les entreprises de la pandémie actuelle, y compris grâce au chômage partiel, télétravail, etc. Mais cela fait d’autant plus ressortir des abus auxquels personne n’a l’intention de mettre fin. Certains ne reprennent pas leur poste car leur situation a finalement été très confortable et ils continuent d’en profiter.

Nous ne dirons jamais assez que ces cas, même s’ils sont très nombreux, n’enlèvent rien au fait que d’autres travaillent dur et ont des difficultés graves à trouver des emplois. C’est justement en leur nom qu’il faut réagir. On nous annonce une réforme du chômage, c’est le moment !




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Chef d'entreprise, présidente du mouvement ETHIC.

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