« Peut-on empêcher la femme musulmane d’affirmer son identité ? » Je ne sais plus quel journaliste de radio a lancé avec cette phrase le sujet sur la burqa (ou j’ai préféré l’oublier), mais évidemment, la réponse était contenue dans la question. Et c’était non, bien sûr : on ne saurait, sous peine d’être taxé de ringardisme ou de racisme, empêcher qui que ce soit de se livrer à quelque exhibition identitaire que ce soit – même quand cette exhibition consiste à se cacher des regards du reste du monde. Les identités c’est sacré, proclament chaque jour les médias et les grandes consciences. Imposer des limites à certaines d’entre elles serait de surcroît atrocement discriminatoire.
En réalité, on peut et on doit empêcher la femme musulmane d’affirmer son identité quand cette affirmation heurte la décence commune, c’est-à-dire la culture commune. On trouverait, j’imagine, assez légitime, d’empêcher une femme à qui son identité imposerait d’être promenée en laisse de laisser libre cours à ses pulsions identitaires dans la rue. Je ne vois pas de raison d’être plus tolérante avec celles qui s’affirment en se cachant. Que certains et certaines s’épanouissent dans la servitude ne nous oblige en rien à leur donner droit de cité dans la Cité.
C’est mon choix, nous disent-elles, ces femmes sans visage, à l’image de cette titulaire d’un mastère qui expliquait sur France Info que sous son niqab (terme qui vient de faire son entrée dans notre vocabulaire), elle se sentait pleinement « épanouie ». Au passage, elle confiait qu’en-dessous, elle était habillée en jean’s et t-shirt. « Et pourquoi pas à poil, ça devient érotique », me souffle un copain. Je m’égare.
D’abord, ne soyons pas naïfs : les femmes voilées de pied en cap sont rarement autorisées à causer dans un micro, puisque l’objectif de leur armure vestimentaire est précisément de leur interdire tout contact avec le monde extérieur, celui-ci commençant à la lisière de la famille nucléaire, et encore, après un certain âge, il n’est pas certain que les garçons aient le droit de voir leur mère en jean’s. Elles sont plus souvent analphabètes que diplômées de l’enseignement supérieur. Celle qui répond aux journalistes est donc, par le simple fait qu’elle répond, une exception. Et quand bien même toutes seraient dans ce cas, je m’en fiche complètement, que les femmes-fantômes soient consentantes et épanouies. Moi, je ne suis pas consentante.
Le défilé des bonnes âmes a promptement commencé. Soyons honnête, personne ne défend le port de la burqa. La seule chose sur laquelle on se dispute, c’est sur la meilleure façon de la faire disparaître. Face aux partisans de la schlague législative (dont je suis au cas où vous ne l’auriez pas compris), les fanatiques du compromis, les angoissés du « remède pire que le mal », les mous du genou qui jurent que « l’interdiction est toujours la plus mauvaise des solutions » sont donc sortis du bois. Eric Besson aimerait qu’on parle d’autre chose. Pour Cécile Duflot, qui parait-il, exerce des fonctions dirigeantes chez les Verts, le principal danger n’est pas l’islamisation mais la « stigmatisation ». On n’en attendait pas moins. Quant à Martine Aubry, elle s’est surpassée, en demandant sur RMC et BFM TV qu’on s’occupe un peu moins de burqa et un peu plus d’insertion. Donnons-leur des emplois et des subventions, et tout changera. Heureusement que la Première secrétaire a ajouté qu’il fallait éviter les solutions « simplistes ». Pour la maire de Lille, une loi interdisant le voile intégral n’empêchera pas les femmes de continuer à le porter mais « elles resteront chez elles, on ne les verra plus ». J’en suis sincèrement désolée pour ces dames, dont beaucoup subissent cet enfermement sans même savoir qu’elles pourraient se révolter, mais justement, « ne plus les voir », c’est exactement ce que nous voulons. Aussi cruel que cela puisse sembler, l’interdiction de la burqa n’a pas pour objectif essentiel de sauver celles qui en sont prisonnières mais de nous épargner à tous cet atterrant spectacle.
Personne n’est obligé de vivre en Occident. Mais en Occident, on accepte le regard des autres.
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