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À toutes les filles des comédies romantiques…

Plaidoyer pour un genre cinématographique méprisé


À toutes les filles des comédies romantiques…
Margot Bancilhon et William Lebghil dans "Ami-Ami" (2018), film de Victor Saint Macary © Julien Panié / Nord-Ouest Films.

Plaidoyer pour les actrices bombesques, interprètes de l’amour courtois


L’époque me terrifie. J’ai peur que la comédie romantique disparaisse au profit de l’étude des mœurs à caractère répressif. A la contractualisation des rapports, je préfère le conte de fée, commercial et calibré, dérisoire et magnifique, mensonger et libérateur. Ne nous enlevez pas cette dernière représentation naïve et désespérée des relations amoureuses ! C’est la dernière fiction moderne dans laquelle les peuples opprimés peuvent croire et puiser un peu d’espoir. Si la comédie romantique venait à disparaître, nous y perdrions assurément le goût pour le flirt foireux, l’approche fastidieuse et le sentimentalisme bancal. Tout le sel de l’existence repose sur l’incommunicabilité humaine et la rencontre fortuite.

On sait comment ça finit toujours

Nous avons déjà sacrifié sur l’autel du progressisme despotique, le slow, les crooners italiens, les voitures à douze cylindres, les plats en sauce, les blondes diaphanes et les brunes outrageusement pulpeuses. Chers bourreaux, laissez-nous plonger dans ces guimauves filmées, quitte à y laisser notre chemise et notre virilité ! Notre romantisme de supermarché vaut bien vos jugements de valeur. Nous sommes dupes et aimons ça. Nous en redemandons même. La comédie romantique est cette délicieuse fake news qui panse les plaies d’une solitude non désirée. Plus elle est grossière, plus elle émeut puisqu’elle touche à notre irrépressible besoin de rencontrer l’Autre. Y-a-t-il une autre aventure qui vaille de se lever chaque matin ? Le travail ou l’argent paraissent bien fades par rapport à la possibilité du couple même éphémère. Notre dignité sociale passe par cette union qui est appelée à se défaire un jour. Nous concourrons tous à cette quête impossible et rédemptrice. Nous misons tout notre maigre jeu et, advienne que pourra.

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Partout ailleurs, dans les affaires surtout, nous manœuvrons, nous anticipons, nous déployons une énergie folle à gagner un petit sou de plus alors que dans l’amour, nous sommes béats et éternellement innocents, narcissiques et admiratifs, toujours résilients. Tant mieux. Les malins ont quelque chose de cassé dans le regard qui provoque la pitié, fuyons-les ! La comédie romantique formatée par Hollywood ne s’appuie pas sur une intrigue complexe ou un suspense haletant comme l’écrivent les mauvais romanciers, car nous connaissons déjà la fin de l’histoire. Peu importe l’issue, en l’occurrence heureuse, seuls comptent la friction entre deux êtres, le lent cheminement chaotique, la naissance du sentiment et les incompréhensions qui en résultent. Les tâtonnements forment de délicieuses meurtrissures sur la peau. Contrairement à ce qui est souvent affirmé, la comédie romantique ne reproduit pas des stéréotypes masculins, tous ces vieux schémas dépassés de la séduction à gros sabots, elle est éminemment féministe. Les hommes, comme à leur habitude, sont relégués à un rôle de simples figurants dans ce match truqué à l’avance. Nous sommes accessoires, n’en déplaise à Z, nous avons toujours perdu la partie et la face, ça ne date pas de 1968.

Tout repose sur l’actrice principale

Dans tous les films sirupeux à souhait, on ne s’intéresse pas à nous, que c’est reposant d’être seulement un faire-valoir, un élément du décor. L’acteur est là pour faire joli, combler les vides, faire la courte-échelle à sa partenaire, l’admirer et acquiescer. L’intensité dramatique, toute la palette des émotions, du rire au charme, de la gaffe à la vamp attitude est supportée par l’actrice principale. Son choix est crucial. Elle rayonne durant une heure et demi mais doit avancer sur une délicate ligne crète, à la fois provoquer l’emballement du spectateur et la connivence de la spectatrice, être un fantasme et une confidente, un mythe et une alliée.

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La comédie romantique est sur ce point-là, éminemment égalitaire, elle permet aux très belles actrices de montrer l’étendue de leur jeu. La beauté physique dans ce milieu est souvent un désavantage comparatif. On la traîne comme un boulet durant toute sa carrière. On tente en vain de la gommer, de la masquer. Dans la comédie romantique, par postulat, l’actrice est bombesque, elle va tout mettre en œuvre pour cacher ou dissimuler son sex-appeal. Le public ne s’y trompe pas. Elle aura beau se grimer, s’enlaidir, rien n’y fera, on ne peut réprimer un physique hors-norme. La beauté est injuste et antidémocratique, par essence. Une comédie romantique est particulièrement réussie quand justement cette beauté devient, peu à peu, secondaire, on finit par l’oublier, elle est bien là, mais facultative, anecdotique, un peu désuète. Combien de plastiques trop harmonieuses ou trop parfaitement lisses ont regagné leur féminité dans la comédie romantique ? Je pense aux américaines Lake Bell (Man Up de Ben Palmer) ou Kate Upton (Escale à trois de William H. Macy) et chez nous, en France, Margot Bancilhon (Ami-ami de Victor Saint-Macary) ou Élisa Ruschke (Rupture pour tous d’Éric Capitaine). Les féministes peuvent applaudir et soutenir avec nous la comédie romantique comme une marche vers plus d’émancipation.

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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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