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À la Mutu avec Sarkozy


La garde meurt, mais ne se rend pas. Dimanche à la Mutualité, entre les intellos de la montagne Sainte Geneviève et les excités de la paroisse Saint-Nicolas-du-Chardonnet, c’était ambiance « on luttera jusqu’au bout ».
Les militants UMP, emmenés par plusieurs groupes de jeunes qui avaient visiblement l’intention de motiver les troupes, sont remontés comme des pendules, avec l’envie d’en découdre scandée toutes les dix minutes par des chants collectifs (« on va gagner ! on va gagner ! », « Nicolas ! Nicolas ! » etc).

Les résultats apparaissent sur les écrans. Sarkozy n’est pas en tête. L’élection est écrite. Certains se hasardent à des calculs, additionnent les scores de Marine Le Pen et Bayrou à celui du chef, ce qui fait environ 52/53% des suffrages, largement ce qu’il faut ; Christine Boutin me dit : « La France est à droite, on va gagner, j’y crois », Guéant passe tout sourire et sans applaudissements, Fillon me serre la pince, il est mieux en vrai qu’à la télé, contrairement à Copé qui a la mâchoire de ses ambitions. Les deux sont très applaudis, et on attend, on attend, on attend des heures, des écrans géants retransmettent les escarmouches entre chapeaux à plumes sur les deux premières chaînes, les socialistes sont hués, les Le Pen sont écoutés. Les gens se serrent chaque minute un peu plus vers l’avant de la salle, il y a quelque chose de gênant à être parqués comme ça derrière des cordes, sans se voir offrir quoi que ce soit tandis que les caciques sont de l’autre côté, avec un buffet qui les attend au cinquième étage. Dans la fosse des militants s’infiltrent des journalistes goguenards qui nous posent des questions glissantes, auxquelles ils obtiennent des réponses stéréotypées, comme si tout le monde avait appris par cœur les fameux éléments de langage. Jeanette Bougrab passe, personne ne la reconnaît. Roselyne Bachelot s’est métamorphosée.

Guillaume Peltier est tout excité. De jeunes organisateurs nerveux scrutent la salle, on nous distribue des drapeaux. A la télé, Juppé s’engueule avec Aubry, il est acclamé une première fois, puis une seconde à son arrivée dans la salle. Passent la bande habituelle des Barbelivien & co, mines compassées, et l’avocat Thierry Herzog, un boxeur, qui avait défendu Sarkozy dans l’affaire Clearstream, et son fils Jean dans l’affaire du scooter. Jean est là aussi, moins flamboyant que lors de l’investiture paternelle en 2007 ; tout à coup Carla, qui court presque, il arrive.
Entre le messie, sans prévenir, directement par les coulisses de la scène, ouvrant les bras en faisant « merci » de la tête, après trois heures d’attente ; il est normal, très calme face à une salle est encore plus hystérique que ce que je craignais, quelqu’un fait un malaise. L’angle est clair : tous ceux qui aiment la patrie, avec moi !

Si la politique n’avait pas remplacé la guerre civile, ou plus simplement si Nicolas Sarkozy nous en avait donné l’ordre, à la Concorde une semaine auparavant comme dimanche à la Mutualité, nous aurions marché sur Vincennes, marché sur Solférino, pour un combat d’hommes à hommes. Le peuple de droite n’en peut plus. Le peuple de droite ne supporte plus de voir, contre son champion, tant de forces alliées. Il a résisté, le peuple de droite, parce qu’il est légitimiste et fidèle, à toutes les calomnies, à toutes les boules puantes, à l’acharnement des amuseurs, à la mauvaise foi du Grand Journal, à l’ignominie des Guignols, aux mensonges de Benoît Hamon, aux railleries civiques de Stéphane Hessel, à la bouleversante bêtise de Xavier Beauvois qui, comme l’a justement relevé Finkielkraut, est tellement aveuglé par l’idéologie dominante qu’il « ne voit pas ce qu’il filme ».

De tout ça la droite est harassée, exsangue, comme après cinq ans de siège, et c’est ce qui ressort à la Mutualité : nous sommes les derniers mais nous lutterons à mort. Nicolas Sarkozy a bel et bien joué à 9 contre un, personne ne peut prétendre le contraire. Mais à ces neuf, il faudrait ajouter l’ensemble des médias à l’exception du Figaro, puisque TF1 était soumis aux règles du CSA. Il faudrait ajouter l’ensemble des intellectuels, à l’exception du cher Jean d’O, qui de toute façon écrit… dans Le Figaro. Un exemple : dans un discours à Vaulx-en-Velin, le candidat socialiste a dit : « Les banlieues n’attendent pas de plan Marshall. D’ailleurs, elles ne savent même pas qui était M. Marshall. » Réaction de la presse ? Aucune, à l’exception du dernier numéro de Causeur. Imaginez une seconde que le président de la République ait affirmé une chose pareille : n’aurait-on pas entendu partout des cris d’indignation ? Jean Daniel ne se serait-il pas fendu d’un gros édito matraque ? Libération n’aurait-il pas fait une de ces unes militantes et stupides, pour ensuite démontrer par A+B, au moyen des statistiques fumeuses de Nonna Mayer ou autre propagandiste, que précisément dans les banlieues, on sait encore mieux qu’ailleurs qui est M. Marshall ? Fadela La Traîtresse n’en aurait-elle pas profité pour dire : voilà pourquoi je rejoins Hollande ? Mais c’est Hollande l’auteur de cette saillie méprisante, et tout le monde se tait.

Le mépris du camp socialiste, notamment incarné par cette manière exaspérante de désigner systématiquement Nicolas Sarkozy comme le « candidat sortant », va peut-être lui revenir au visage comme un boomerang. C’est du reste un vieux péché de la gauche, dont elle semble incapable de se départir : se croire toujours plus vertueuse, plus intelligente, plus cultivée, plus clairvoyante, plus bonne, plus du coté du Bien, que le reste du monde. Ce faisant elle attire contre elle une haine, une volonté, une force, une envie, une énergie. Nadine Morano dimanche soir a été ovationnée.



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est juriste, ancien éditeur du magazine Spring et auteur de "Le soleil, l'herbe, et une vie à gagner", avec Thierry Consigny (JC Lattès). Il est membre de l'UMP.

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