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À la gloire de nos mères!

C’est aujourd’hui la fête des mères


À la gloire de nos mères!
D.R.

Message personnel d’un fils unique à une mère en ce dimanche 29 mai


Les mères des années 1970/80 ne parlaient ni d’intersectionnalité, ni de parité à leur fils forcément indigne. Elles transformaient la société en refusant la victimisation et la soumission. Elles éduquaient par la bande, sans poncifs, ni œillères, en tâtonnant, en se trompant et en s’emportant très souvent. Elles n’avaient pas de certitudes, encore moins de modèles, de la voix par contre. On les entendait de loin. Les jours de forte tempête, il valait mieux obtempérer sous peine d’être déconstruit sur le champ. Elles ne s’embarquaient jamais dans de trop longs discours. Aux mots pesés, raisonnés et décharnés des pédagogues, elles préféraient les fulgurances et les cris des stylistes de la colère. La patience n’était pas leur fort, la pondération non plus. Elles avaient conscience du ridicule des postures et des bavardages. Elles ignoraient le qu’en-dira-t-on. Leur liberté était incandescente et étonnement civilisée. Elles renversaient la charge mentale en fumant des Craven A et en nous gavant de purée Mousline.

Elles roulaient en R5

À trente ans, selon leur humeur, elles se parfumaient en Must de Cartier ou empruntaient Habit rouge de Guerlain à leurs maris. Elles nous nourrissaient d’un curieux assemblage fait de produits industriels et de charcuterie artisanale. Elles ne cuisinaient pas en semaine. Le dimanche, elles étaient les reines de la frisée aux lardons et de la tarte aux prunes. Elles bâclaient le ménage par snobisme et esprit de dissidence. Elles savaient remonter une roue et vérifier le niveau d’huile d’un moteur. Elles nous achetaient des Folio junior par douzaines, à la librairie du village, sans volonté de nous instruire au forceps. La lecture n’était pas un devoir de vacances. Elles ne la sacralisaient pas. En fait, elles ne sacralisaient pas grand-chose. Elles n’étaient pas des dévotes d’un intellectualisme rampant. Elles imposaient à leur progéniture rétive à toute forme d’enseignement seulement le strict bagage minimum, c’est-à-dire la politesse, la droiture et un peu de dérision sur soi-même pour avancer dans la vie.

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Elles défendaient leurs parents contre les attaques de l’extérieur, par fidélité et conviction. Elles pouvaient s’enthousiasmer pour Raymond Jean, Michel Déon ou Italo Calvino et acheter Vital. En secret, elles se passionnaient pour l’œuvre de Cervantès et pouvaient tenir la dragée haute aux plus grands spécialistes du genre dans une conversation. Mais, elles refusaient de paraître cultivées en public, c’était, selon leur propre expression, une marque de faiblesse ou de mauvais goût. Elles portaient des imperméables d’hommes couleur mastic et des Ray-Ban Aviator à l’entourage en cuir.

Elles nous commandaient par courrier des baskets aux États-Unis qui mettaient plusieurs semaines avant d’arriver dans notre province, juste pour nous faire plaisir. Elles ne supportaient pas les jaloux et les satisfaits. Elles n’étaient le porte-parole que d’elles-mêmes. Elles roulaient vite et bien dans des Renault 5 découvrable marron glacé ou des Mini Morris Minor vert anglais. En rentrant du travail, entre mai et juin, elles se plantaient devant la retransmission des Internationaux de Roland-Garros. Nous écoutions religieusement Jean-Paul Loth à la télé. Il n’était pas alors question de les déranger par des soucis d’ordre domestique ou scolaire.

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Des revers à deux mains

Le tennis primait. L’été, elles frappaient des revers à deux mains sur des courts catalans à vous dévisser un gouvernement tangent. Elles buvaient du Pimm’s et du Perrier. Elles aimaient Varda et la « 7ème Compagnie » ; Chuck Berry et Boby Lapointe ; Johnny et Reggiani ; Dire Straits et Trenet ; Charlélie et Brahms ; Sautet et « Merci Bernard » ; Sylvie Joly et Ged Maron ; Sagan et Manitas de Plata ; les journées de Courson et l’anneau de Montlhéry ; les bords de Loire et les jardins de l’Alhambra ; les planches de Deauville et la basilique de Vézelay ; les Asturies et le Morvan ; le Secours populaire français et le Secours catholique ; les bijoux fantaisie et les chaussures de luxe à talons plats ; les vélos hollandais et les chats noirs ; la zarzuela et les sablés de Nançay ; les carnets Moleskine et les Fables de La Fontaine ; les monologues berrichons et les boutiques de la rive gauche ; la maison de Colette et le sandre en croûte de sel.

Bonne fête, maman !

Et maintenant, voici venir un long hiver...

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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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