Certains ont passé Noël dehors, après la destruction de leurs logements par les autorités
Les célébrations de Noël à Islamabad, la capitale du Pakistan, se sont déroulées sous protection policière. Les stations de métro ont été décorées avec des sapins, des tarifs réduits ont été proposés aux chrétiens dans des parcs, et des musulmans ont découpé des gâteaux en divers endroits pour montrer leur solidarité avec les chrétiens. Cette bienveillance n’a cependant pas bénéficié à toute la communauté dans un pays où les diverses minorités religieuses sont malmenées par leurs concitoyens et les autorités.
Nawaz Sharif est le nom d’un ancien Premier ministre pakistanais qui a soutenu, en 2017, la construction d’installations sanitaires pour les chrétiens de Jaranwala, dans le Pendjab. Jusque-là, les habitants de la communauté chrétienne n’avaient pas accès à une eau potable et devaient faire leur toilette dans les champs, ce qui avait facilité le viol de nuit en réunion de deux sœurs par des musulmans. C’est aussi le nom d’un katchi abadi (un bidonville) de la capitale où les chrétiens sont privés d’eau potable depuis que les autorités ont démoli sans les prévenir en octobre dernier leurs maisons et l’église qu’ils avaient bâti de leurs mains. Elles avaient déjà coupé l’eau, le gaz et l’électricité le même mois.
Les 115 familles n’avaient pas été prévenues de l’arrivée des ouvriers et des bulldozers de l’Autorité de développement de la capitale (CDA), le 18 octobre. Alors qu’ils essaient de sortir de leur maigre ordinaire pour Noël, ces chrétiens ont eu cette fois-ci des difficultés à se fournir en pain et légumineuses et n’ont pu faire de cadeaux à leurs enfants.
Les habitants se préparaient à aller travailler quand les ouvriers ont surgi et démoli leurs demeures et l’église que les premiers avaient bâties eux-mêmes, rapporte la British Asian Christian Association (BACA), une ONG de soutien aux chrétiens persécutés basée à Londres. Les maisons de leurs voisins musulmans ont, elles, été épargnées, tandis que les ouvriers s’appropriaient les objets ayant une certaine valeur appartenant aux chrétiens. Ces derniers résident maintenant dans des tentes et des maisons de fortune en feuilles, morceaux de plastiques et d’autres matériaux récupérés ici et là et font face à un hiver froid sans couvertures. Ils ne sont pas à l’abri d’une montée des eaux usées des systèmes d’égouts autour desquels ils sont installés, et ils risquent d’être arrêtés quand ils doivent désormais chercher illégalement du bois pour cuisiner et se chauffer.
La BACA a pu constater le 27 décembre que les enfants n’avaient pu recevoir de cadeaux et a offert des vêtements aux chrétiens démunis. La situation est d’autant plus critique que des hommes ne vont plus travailler afin de surveiller leur nouvel habitat au cas où la CDA viendrait de nouveau les détruire. Par ailleurs, les enfants sont encore plus vulnérables face aux risques d’agressions sexuelles loin d’être toujours punies quand elles ciblent les minorités religieuses.
Ce n’est pas la première fois que l’organisme rase les maisons de chrétiens en discriminant entre elles et celles des musulmans. À chaque fois, les autorités ne proposent ni indemnisation ni plan de relogement à ces résidents sans défense. Les femmes travaillent surtout comme domestiques, les hommes comme balayeurs et nettoyeurs d’égouts. En raison d’une forte discrimination, les chrétiens ne peuvent souvent pas étudier et sont cantonnés à des emplois très peu qualifiés.
Le prisme antichrétien de l’Autorité de développement de la capitale
À l’occasion des fêtes de Noël en 2010, le président de la CDA, Imtiaz Inavat Elahi, avait encensé le rôle des chrétiens dans le développement d’Islamabad. Mais sous l’autorité de Maroof Afzal, l’organisme a affirmé en décembre 2015 devant la Cour suprême que les katchi abadis de la capitale risquaient d’attirer les chrétiens du pays, ce qui affecterait la majorité musulmane. La motivation religieuse témoignait du manque d’arguments. La CDA était allée jusqu’à dire que les chrétiens avaient transformé en taudis l’une des plus belles villes du monde. La Cour suprême avait rejeté les arguments de l’organisme. La Haute cour d’Islamabad a également donné tort à l’autorité en avril 2021.
La BACA souligne que l’autorité ignore délibérément que des chrétiens vivent dans des bidonvilles depuis des décennies, même depuis la partition du sous-continent indien par les Britanniques en 1947, et qu’ils avaient perdu des terres au profit des musulmans en 1948 sans que le gouvernement ne les défende. Si l’argument religieux est rejeté par la justice, la CDA n’hésite toutefois pas à raser les maisons de chrétiens sous prétexte de salubrité publique à l’occasion de Noël ou du dernier jour du carême, le 31 mars 2021. L’Autorité de développement de la capitale avait alors détruit sans préavis l’église de la zone Musharraf où vivent jusqu’à 400 personnes. La police et les représentants de la CDA avaient insulté le révérend Naveed John George qui leur avait demandé pourquoi ils détruisaient le temple.
Autour d’Islamabad se trouvent 17 bidonvilles où vivent surtout des chrétiens aux métiers non qualifiés et très mal payés. Seuls les moins pauvres peuvent construire des bâtiments en ciment.