Aucun doute possible, la politique est plus rude pour les nerfs que les primes de TF1. Voyez Nicolas Hulot. Mercredi, il annonce son intention d’être candidat à la présidentielle au nom d’une certaine idée de l’écologie et de la transformation sociale et bim !, ceux qu’on imaginait partager ses valeurs le trainent plus bas que terre.
Le voilà rhabillé par ses supposés amis en écolo-médiatique âpre au gain, ayant serré la main des plus grands capitalistes pour financer ses reportages, et n’hésitant pas à vendre du gel douche pour arrondir ses fins de mois. Bref, le portrait craché de l’usurpateur en politique. Ajoutons qu’il a osé se déclarer hier dans la salle des fêtes de Sevran, joli port de pêche de Seine Saint-Denis, bien connu pour sa misère sociale et ses règlements de compte à l’arme lourde, sans pour autant aller serrer les mains des autochtones : son cas est réglé ! Hulot usurpateur, candidat d’opérette, responsable futur d’un nouveau 21 avril alors que les Verts avaient toutes leurs chances d’accéder au pouvoir dans les sacoches à vélo du candidat PS.
Je n’ai pas de grande passion pour Hulot, ni pour les Verts en général, fussent-ils relabélisés EELV. Mais j’ai encore moins de goût pour les procès en légitimité politique, surtout quand ils fleurent bon le Fouquier-Tinville en sketbas. Ceux-là même qui pétitionnent à longueur de colonnes contre une classe politique monocolore, masculine, sexagénaire, venant des meilleures écoles de la République par la voie paternelle, considèrent que Hulot, l’animateur télé n’est rien, ni personne et ne peut donc pas être candidat. Eva Joly, qui est sans doute elle ultra-légitime, a d’ailleurs fielleusement commenté hier le projet d’Hulot : « Il ne faut pas confondre notoriété et crédibilité. » On comprend donc qu’elle, qui se voyait en madone de l’épuration verte, souffre de l’absence de l’une et sans doute du trop-plein de l’autre. Le monde politico-médiatique est mal fait.
Hulot pourtant n’en est pas à ses premiers pas politiques : lors de la dernière présidentielle, il avait fait signer à tous les candidats son pacte écologique, et pas forcément de leur plein gré. Après quoi il avait donc expliqué que, puisque tout le monde y adhérait, il n’avait pas besoin de participer au concours de beauté présidentiel. Là, ayant fait le tour de la chose télé, de la chose politique côté cour (notamment en participant au Grenelle de l’environnement) et mesurant, j’imagine, que l’adhésion générale à son projet écolo était du pipi de bébé phoque, il envisage de se présenter : on ne passe jamais de meilleur pacte qu’avec soi-même. Il y a sans doute aussi des raisons un rien plus cyniques à ce grand saut : la fin programmée de ses émissions sur TF1, le peu d’élan populaire suscité par Eva Joly, sa propre popularité qui se maintient sans faille, et celle du président qui n’en finit pas de s’effondrer, ouvrant un boulevard à la gauche, donc à EELV. Mais on s’en fout. Hulot, comme tout le monde, a le droit d’avoir des arrière-pensées, et il a le droit d’être candidat même après avoir été animateur sur TF1. J’allais dire surtout.
Séquence émotion comme disait Hulot, l’homme de la télé. Avez-vous déjà regardé une de ses émissions ? Moi, oui et même plusieurs. Je ne sais pas si la plongée avec des narvals au large du Labrador ou la découverte de la péninsule de Basse-Californie a fait beaucoup pour ma conscience écologique d’adolescente. Certes, les mines compassées de Hulot, son air catastrophé par la pollution, ses appels –hachés par le manque d’oxygène- aux générations futures avaient un côté prêchi-prêcha écolo casse-pied. Mais de Cousteau à Hulot, c’est tout un imaginaire naturalo-mondialiste qui s’est imprimé dans les cerveaux malades des jeunes gens comme moi. Et qui reste aujourd’hui. J’ai toujours trouvé idiot de s’apitoyer sur les conditions de vie des ours blancs pour expliquer qu’il faut éteindre la lumière quand on quitte une pièce ou qu’on ne doit pas jeter ses sacs plastique sur la pelouse du Luxembourg. Mais si ça se trouve, Ushuaïa a reformaté mon imaginaire avec du relativement sauvage et du résolument beau. Les voies du néo-civisme sont sinueuses. Pour autant, je ne pense pas qu’il faille interdire les centres-villes aux voitures (même si je préférerais, à titre tout à fait personnel de piéto-cycliste) ou taxer plus le pétrole et ses dérivés. Mais si ça se trouve, Hulot et son parapente ont un peu modelé mon comportement quotidien, à parité avec les aventures intrépides et humides du Commandant Cousteau.
Mais revenons à notre mouton noir du casting élyséen: au nom de quoi un garçon qui a fait profession de télé et y a réussi brillamment avec ses petits bras, serait-il a priori disqualifié pour se présenter aux suffrages des citoyens français ? Vous préférez les énarques qui perdent 30 kilos pour acter leur volontarisme face caméras? Les agrégés de lettres qui n’ont jamais mis les pieds dans une classe en banlieue ? Les faux facteurs ? Les anciens ministres qui ont fait fortune en monnayant leurs carnets d’adresses ? Les patrons d’organisation internationale coachés au millimètre par des agences de com’? Les magistrates intransigeantes sauf avec leurs affidés? Pourquoi pas. Mais laissez les animateurs télé se présenter aussi, au moins au nom de la diversité. On, enfin l’électeur, jugera si l’avenir avec Hulot est plus radieux qu’avec tous les autres. Je n’ai jamais vu qu’on votât, en dernier ressort, sur la notoriété ou la côte de popularité. Par bonheur tout ça demeure encore mystérieux, bordélique, illogique.
Sans quoi, à l’heure où je vous parle, Mimie Mathy serait présidente de la République.
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