Terry Jones est un insignifiant pasteur américain à la tête d’une congrégation dérisoire de quelques dizaines de croyants en Floride. Si ce nom vous dit quelque chose, c’est parce que pour devenir signifiant, il a déclaré à la rentrée dernière son intention de brûler un exemplaire du Coran devant son église pour marquer le neuvième anniversaire du 11-Septembre. Suite à une vague d’indignation et des pressions de personnalités religieuses, il n’est finalement pas passé à l’acte et a même donné sa parole de ne pas recommencer. Mais le problème est que sa provocation a tellement bien marché – pendant quelques jours, cette histoire a retenu l’attention de tous les médias de la planète – que le retour à l’insignifiance lui était insupportable.
Ainsi, six mois plus tard, malgré ses promesses, Terry Jones décide de récidiver. Fou mais pas idiot, il sait qu’il faut augmenter la dose. Non seulement on ne peut pas servir un plat réchauffé, mais avec des révolutions en série dans le monde arabe, une guerre en Libye et un grave accident nucléaire au Japon, la planète journalistique est très sollicitée et il faut taper fort pour attirer l’attention. Au mois de janvier, il entame donc le procès public du Coran et le 20 mars, le décrétant coupable d’incitation à la haine, Terry Jones met le feu au livre sacré des musulmans, autodafé diffusé par Internet avec sous-titres en arabe.
Pendant une grosse semaine, l’acte bizarre de ce pasteur a eu le succès qu’il méritait : les médias l’ont plus ou moins ignoré. Malheureusement, une dizaine de jours plus tard, la mayonnaise finit par prendre en Afghanistan et au Pakistan. Manifestations violentes, lynchages, émeutes… Le bilan provisoire s’élève aujourd’hui à 19 morts.
Aux Etats-Unis, comme au mois de septembre dernier, le débat tourne autour de la question de la liberté d’expression et de ses limites tandis que certains – notamment le sénateur Lindsey Graham – pensent que le simple fait que le pays soit en guerre justifie, comme pendant la Deuxième guerre mondiale, la restriction de ce droit constitutionnel fondamental. Dans ce débat – légitime au demeurant –, on oublie un fait majeur : pour créer le scandale, il faut être au moins deux, celui qui provoque et celui qui est provoqué. Or, dans ce cas comme dans le cas des violences qui ont suivi la publication des caricatures du prophète Mahomet en 2005, la réaction pavlovienne de certains musulmans était largement prévisible.
Pour dire les choses clairement, le seuil de tolérance à la provocation de certains musulmans est tout simplement trop bas. Qu’un geste d’un homme de si peu d’importance puisse avoir de telles conséquences en dit plus long sur eux que sur le pasteur provocateur. Après tout, même si c’est son effigie qu’on brûle aujourd’hui à Jalalabad, ce n’est pas Barack Obama qui a mis le feu au Coran. Ce n’est pas non plus le général Petraeus, le très embarrassé chef des forces coalisées en Afghanistan, qui a applaudi cette connerie monumentale de Terry le taré.
Est-ce si difficile à comprendre qu’il s’agit d’une vulgaire et grossière opération de com’ ? Et même si, comme on le prétend, des agents provocateurs taliban infiltrés dans la foule sont derrière les dérapages sanglants des manifestations, la question reste la même : pourquoi donner une telle importance à une provocation si dérisoire ? L’une des valeurs de l’Occident – et pas la moindre – est justement d’accepter la folie des autres.
Terry Jones est un agité du bocal qui ne représente personne. Si des millions de musulmans se sentent concernés par ses agissements insensés, c’est leur problème et surtout leur responsabilité. Le sang de 19 personnes a été versé par des musulmans, voilà le seul fait important à retenir.
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