« Est-ce que les peuples du Moyen-Orient ne peuvent accéder à la liberté? Est-ce que des millions d’hommes, de femmes, d’enfants sont condamnés, au nom de l’histoire ou de la culture, à vivre sous le despotisme ? Seraient-ils les seuls à ne jamais connaître la liberté, à ne jamais exercer de choix ? Moi, je ne le crois pas. »
Question à 1000 euros : qui est l’auteur du discours ?
Allez, je vous mets sur la piste. L’auteur n’est pas un dirigeant européen soucieux de redorer le blason de son pays éclaboussé par l’aveuglement de sa diplomatie.[access capability= »lire_inedits »]
Il n’est pas non plus l’un de ces politiques qui passaient leurs vacances dans les palaces tunisiens et égyptiens, ni le président d’une association destinée à promouvoir l’amitié avec des peuples opprimés par un dictateur déchu ou en passe de l’être.
Il n’est certainement pas un intellectuel qui aurait subitement découvert sa sympathie pour les insurgés arabes et qui, taraudé par le remord, s’empresserait de partager son enthousiasme débordant pour mieux effacer le temps où il maudissait la libération de l’Irak par les forces armées du « Grand Satan » américain. Notez que je viens de vous lâcher un indice.
Oui, l’homme − deuxième indice − est américain ; mais attention, je précise : il n’appartient pas à la mouvance Obama, seule tolérée par les antiaméricains non déclarés d’aujourd’hui.
Cet Américain-là fut le plus détesté de tous les Américains, à l’image de McDonald’s, leader de la World Company et symbole de la malbouffe.
De même que ceux qui haïssent McDo continuent malgré tout à engloutir des hamburgers, ceux qui l’ont diabolisé hier apparaissent aujourd’hui comme ses plus fidèles héritiers. Seulement, ils l’ignorent ou refusent de l’admettre.
Si vous avez trouvé, peut-être êtes-vous déjà très énervé. Sinon, je vous le donne en mille : l’auteur de ce plaidoyer pour la libération des peuples arabes s’appelle George W. Bush, vous savez, ce cow-boy texan évangélique et belliqueux, au cerveau à peine plus gros qu’un bretzel entamé !
Souvenez-vous : cela se passait en 2004, au sommet du G8 de Sea Island. Bush et ses faucons firent adopter le « plan Grand Moyen-Orient » (GMO), qui visait à favoriser l’émergence de la démocratie dans les pays arabes. Oui, de la démocratie ! Et contrairement aux bêtises que proféraient les anti-bush haineux de l’époque, il ne s’agissait pas d’imposer la démocratie made in USA par une politique d’ingérence arrogante et impérialiste, mais de développer les forces démocratiques des sociétés civiles arabes par une stratégie d’assistance en moyens financiers, éducatifs et logistiques.
Et voilà que, sept ans plus tard, ce sont précisément les peuples concernés par le GMO qui se révoltent : les cartes concordent.
Quand on se rappelle les cris et protestations d’hier, il est très agaçant d’entendre aujourd’hui l’ensemble de la classe politique célébrer, sur un ton grave et cérémonieux, les révoltes démocratiques et rivaliser dans la bonne volonté pour contribuer à leur pérennité. Que disaient-ils, ces révolutionnaires de la vingt-cinquième heure, quand, dès 2003 , Bush le maudit, ignorant les diatribes et sarcasmes de la « communauté internationale » horrifiée par le wilsonisme guerrier d’une Amérique en croisade, martelait avec ferveur que les peuples arabes ont le droit, eux aussi, à la liberté ?
Que faisait la France en 2003 ? En visite officielle en Tunisie, le président de la République, Jacques Chirac, déclarait que « le premier des droits de l’homme, c’est de manger à sa faim » ! La liberté, c’est quoi : le supplément d’âme ?
Au moment où la Vieille Europe attentiste, immobile et complaisante, condamnait le Moyen-Orient à l’autocratie au prétexte que la stabilité des régimes tyranniques constituait un rempart au terrorisme, la révolution, outre-Atlantique, échauffait − sans doute excessivement, d’ailleurs, au regard des circonstances d’alors − les esprits des néo-conservateurs convaincus que la déstabilisation était préférable au statu quo et que seule la démocratisation du monde arabe couperait l’herbe sous le pied d’Al-Qaïda, favorisant à long terme la paix dans le monde.
Aussi dur que cela soit à avaler pour les professeurs de vertu qui ont toujours un train de retard sur l’Histoire, si la rue arabe bouge aujourd’hui, les Américains, et Bush au premier chef, y sont bien pour quelque chose. Et, n’en déplaise aux âmes pacifiques, peut-être même la greffe démocratique implantée en Irak et en Afghanistan par le fer et le feu finira-t-elle par prendre et par faire souffler le vent du changement qui réjouit la planète entière aujourd’hui, mais auquel seul les Américains croyaient hier. Alors, tant pis, je prends le risque de vous mettre très en colère pour saluer l’esprit visionnaire de l’Amérique, toujours porteuse du flambeau de la liberté pour les peuples du monde.[/access]
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