La crise libyenne rajoute une couche à la situation économique, déjà extrêmement dégradée, de l’Égypte. Comme dans beaucoup de pays du Tiers monde, les transferts d’argent de travailleurs émigrés égyptiens pèsent lourd dans l’économie : 12 milliards dollars par an, presque 3% du PIB. Mais cet argent pèse encore plus dans les revenus des familles pauvres car l’Egyptien typique qui travaille à l’étranger est plutôt un maçon ou un journalier qu’Omar Sharif ou Boutros Boutros-Ghali. Pour comprendre ce phénomène il faut savoir qu’à peu près 1,5 millions d’Egyptiens qui travaillaient en Libye envoyaient à leurs familles quelque chose comme 250 millions par an, c’est-à-dire 167 dollars par ouvrier… Ce ne sont pas des médecins ou des ingénieurs de l‘industrie pétrolière.
Pas question donc de toucher au budget de subventions – 5% du PIB – juste au moment où un million et demi de familles supplémentaires sont dans le besoin, sans parler des 20% d’Egyptiens qui vivent déjà en temps « normal » sous le seuil de pauvreté. Ceux-ci sont particulièrement nombreux dans les campagnes et le pouvoir en place compte beaucoup sur les paysans pauvres et conservateurs pour contrecarrer le mouvement démocratique, plutôt urbain.
Pas question non plus de mettre en cause les salaires des 6 millions de fonctionnaires récemment augmentés de 15%. Du côté du bâtiment les nouvelles ne sont pas bonnes non plus : les chantiers sont arrêtés et le chômage dans le secteur dépasse 80%. Quant au tourisme, durement touché, c’est certes une industrie capable de rebondir rapidement, mais à condition toutefois que l’image du pays change radicalement.
Bref, pour cette phase de transition, le gouvernement n’a d’autre solution que d’emprunter. Pas le temps pour des investissements et des projets à long terme : il faut du cash, beaucoup et illico pour tenir plusieurs mois sinon plus. L’Arabie saoudite, les États-Unis mais aussi l’Europe devraient mettre la main à la poche, faute de quoi la Place Tahrir risque de ne plus être seulement envahie par le badauds en quête d’une photo souvenir…
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