J’ai fait un rêve. Un beau rêve. En allumant France Inter au réveil, le speaker de service annonçait que Lance Armstrong avait décidé de participer à nouveau au Tour de France en 2009. Et alors, je me suis aperçu que j’étais déjà réveillé. Car c’est seulement dans le monde réel qu’un journaliste peut être assez bête ou méchant pour dissimuler la vérité aux masses matinales : quels que soient les mots qu’il a utilisés, Armstrong ne peut pas avoir banalement exprimé son choix de participer à un nouveau Tour, il a forcément annoncé qu’il allait le gagner et, une fois de plus, ridiculiser ses adversaires
Et là, les filles, ça promet ! Parce que les pires adversaires d’Armstrong, ceux à qui il veut toute affaire cessante claquer le beignet, ne sont pas dans le peloton du Tour, mais dans le peloton d’exécution qu’on voit déjà se mettre en rang pour fusiller sur place le plus grand champion que le cyclisme ait jamais connu, celui que ni Blondin, ni Audiard, ni Michéa (père) n’auraient osé appeler de leurs vœux.
La cabale des dévots est à l’œuvre, je peux déjà vous donner son programme en exclu.
Ça commencera par les tirs de barrage sur le dopage, sur le détestable exemple donné par ce drogué notoire à notre saine jeunesse, qu’on savait jusque-là épargnée par ce terrible fléau, comme le sont, en bloc, les professionnels des médias.
On peut prédire en corollaire une glorification hors de propos de nos malheureux cyclistes français. C’est drôle comme le Parti de la Mondialisation Heureuse devient chauvin voire xénophobe dès qu’on parle de sport ou de culture, toutes choses où justement, la beauté du geste ne saurait avoir de patrie.
On aura forcément droit aux jérémiades sur le Dollar-roi qui menacerait de pervertir les idéaux du sport : « … bla-bla… l’ex-ministre des Sports, Marie George Buffet, nous déclare… bla-bla… une indignation que partage Roselyne Bachelot bla-bla… »
Enfin, élections américaines obligent, on n’échappera probablement pas aux parallèles foireux entre McCain et le septuple maillot jaune, tous deux symboles d’une Amérique moisie, quoique dominatrice et sûre d’elle, que la grande vague d’espoir obamiste enverra heureusement dès le mois de novembre aux poubelles de l’histoire. Il n’est pas à exclure, en bonus track, quelques considérations bien senties dans Libé ou Télérama, sur le lepénisme rampant du Tour tel qu’il est, et sa nécessaire ouverture aux minorités black, beur, gay et à mobilité réduite.
Mais tout ça, Armstrong s’en fout, ou plutôt, il s’en régale. Car comme son héroïque compagnon d’infamie Mike Tyson – qui s’était fait tatouer à sa sortie de prison un portrait du président Mao sur le biceps droit –, il a fait sienne depuis longtemps cette pensée essentielle du Petit livre rouge : « Etre attaqué par l’ennemi est une bonne et non une mauvaise chose. »
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