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South Park : Touche pas à mes potes !


A l’instar de leurs collègues scientologues, maints télévangélistes américains rêvent tout haut de faire interdire le génial feuilleton South Park et, dans la foulée, de faire condamner ses non moins géniaux créateurs, Matt Stone et Trey Parker. Motivé, semble-t-il, par le déluge incessant de gros mots, de situations sexuellement explicites et de blasphèmes tous azimuts qui, de fait, sont la marque de fabrique de la série préférée des teenagers, cet acharnement, en dit long sur l’état de délabrement idéologique aggravé d’une certaine droite archéo-conservatrice (ce qui fait beaucoup).

En effet, comme nous l’expliquera prochainement dans ces colonnes Basile de Koch qui prépare ce qui s’annonce déjà comme la thèse définitive sur le sujet, South Park n’est pas seulement un florilège de réjouissantes obscénités en tous genres et tout terrain, c’est surtout le pire cauchemar de la gauche alteroïde et notamment de ses représentants agrées à Hollywood : Michael Moore, Sean Penn et leurs affidés y sont systématiquement rhabillés pour l’hiver en gogols ou en tartuffes.

Faute de pouvoir faire boire la ciguë à ces corrupteurs de la jeunesse et furieux de se casser régulièrement les dents sur le Premier Amendement – qui garantit aux bienheureux Américains un droit à l’expression absolu en théorie et bien plus large que chez nous en pratique – les cyberbigots de la Bible Belt, qui sont donc les alliés objectifs des radical-chic de LA, ont inventé une nouvelle combine : Reuters nous rapporte qu’une de leurs filiales offshore – « l’Union russe des chrétiens de foi évangélique » – a obtenu qu’un procureur de Moscou ouvre une information contre la chaîne locale qui diffuse le feuilleton. A défaut de protéger la jeunesse américaine, autant sauver quelques âmes du côté de la Sainte Russie. (Qu’on se rassure, ils n’en mènent pas moins aux States des batailles homériques contre l’emploi du mot fuck à la télévision.)

Depuis fin de la Guerre froide, les Américains avaient du mal à faire des droits de l’Homme et des libertés fondamentales un produit rentable à l’export. Il est amusant de constater que certains thuriféraires du « monde libre » se révèlent plus performants quand il s’agit de rétablir la censure dans l’ex-URSS – en attendant de le faire partout ailleurs-, que quand il fallait l’abattre en Union Soviétique. Très pointilleuse sur les droits de l’Homme, la Fédération Protestante de France, qui outre les réformés mainstream, accueille aussi en son sein une kyrielle d’agités évangélistes, ne s’est pas, à ma connaissance, désolidarisée de ces tentatives répétées de censures, dont on peut prédire sans risque qu’elles se produiront prochainement chez nous. Pour la plus grande joie des rebellocrates, toujours ravis de trouver « censure à leur pied », ainsi que le disait Muray, droit dans le mille comme toujours. Qu’y a-t-il de plus délicieusement Faubourg-Saint-Germain qu’une manif contre l’ordre moral, en particulier quand il n’y a aucun risque que celui-ci pointe son nez ?

Ceci étant, ce n’est pas une raison de nous priver de South Park qui a la rafraîchissante qualité de se payer la fiole des résistants de salon aussi bien que celle des red necks confits en dévotion.

A la place des apprentis-mollahs évangélistes, je ne crierais pas victoire trop vite. Nous savons où se tiennent les offices dominicaux de ces gens-là, nous croisons souvent leurs robots missionnaires dans nos rues, et nous nous ferons donc un plaisir d’aller leur rappeler, avec la fermeté qui s’impose, notre attachement à la liberté d’expression en général et, en particulier, à l’expression « Ça me troue le cul » – les fans auront compris, que les autres me pardonnent.

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De l’Autonomie ouvrière à Jalons, en passant par l’Idiot International, la Lettre Ecarlate et la Fondation du 2-Mars, Marc Cohen a traîné dans quelques-unes des conjurations les plus aimables de ces dernières années. On le voit souvent au Flore.

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