Difficultés d’apprentissage ! Tatsouinnnnnnn ! Le psy scolaire l’a dit, le verdict est tombé, votre enfant souffre de difficultés d’apprentissage. Diagnostic salvateur qui soulage tout à la fois les parents – non, ils ne sont pas démissionnaires-, le prof – si, si, il a tout bien fait comme le veut l’EN -, et le principal intéressé qui ne sera pas privé de dessert, pardon, de Nintendo. Chouette !
Longtemps ignorées, les « difficultés d’apprentissage » ont relégué dans la catégorie feignasse, turbulent, voire débile nombre d’écoliers atteints de dyslexie, dyscalculie, trouble de l’attention et autre hyperkinésie.
On ne peut que se réjouir de voir ces difficultés enfin prises en compte et surtout se féliciter des méthodes mises en place pour porter remède à ces scories qui plombaient parfois la scolarité d’enfants de bonne volonté.
Toutefois, dans le large panel des diagnostics expliquant pourquoi Noémie est nulle en fraction et pourquoi Sam a fait 28 fautes dans une dictée de 40 mots, on ne trouve plus la sacro-sainte flemme qui pourtant s’abat sur chacun à tout âge comme la vérole sur le bas clergé.
Àl’instar des animaux malades de la peste, nous n’en mourons pas tous, de cette divine paresse, mais nous sommes tous atteints. Du plus petit jusqu’au plus grand.
Quel écolier, le plus modèle, le plus abonné au prix d’excellence, le plus premier classe, et, par voie de conséquence, le plus détesté de ses condisciples, n’a jamais succombé à la flemme, la très humaine flemme ?
La table de multiplication par huit, alors que le Spirou vient d’arriver ? Même pas en rêve ! L’accord des participes passés pronominaux à l’heure de Titi et Grominet ? C’est une blague ? Est-ce qu’on vous demande de calculer votre feuille d’impôt à l’heure de l’apéritif ? Hein ? Non, mais !
Cette paresse si compréhensible et surtout si pardonnable lorsqu’elle n’est que passagère était naguère un paramètre connu et pris en compte par les enseignants.
Et la période des examens, si redoutée, certes, offrait au flemmard la possibilité de se raccrocher aux branches lors du sprint final. On a eu chaud aux fesses, mais, in extremis, sachant qu’on n’est jamais aussi bon que dans l’urgence, on est passé dans la classe supérieure. En route pour deux mois de vacances, flemme comprise !
Mais l’EN ne pouvait en rester là. Et a imaginé un machin très chouette, mortel pour les paresseux occasionnels : l’évaluation continue !
Tiens, feignasse, attrape ! Fini de rire ou de bailler, de compter les mouches ou de rêvasser. Tu ne te rattraperas plus sous le soleil de juin, c’est maintenant, c’est tout de suite et tout au long de l’année qu’il te faut connaître la formule pour calculer la surface d’un trapèze, le subjonctif imparfait du verbe « naître », le réseau hydraulique de la Haute-Savoie et les finesses du Traité de Westphalie.
Pourtant ces passages à vide, cette légitime envie de glandouiller, ce léger « à quoi bon », permettait aux têtes blondes de reprendre leur souffle et même de s’ouvrir à d’autres matières, moins scolaires et d’autant plus intéressantes. Un privilège de l’enfance, un des rares qui n’avait pas encore été aboli.
Mais l’enfance n’a plus droit de cité, elle est devenue comme le reste de la société : fonctionnelle !
Mieux encore : professionnelle.
Car partout en Europe, l’EN, ou ce qui en tient lieu, prend ses ordres auprès des futurs employeurs ! C’est dès la plus tendre enfance que sera formée la cohorte à venir des travailleurs toute catégorie. Dyslexique peut-être, mais bosseur régulier ! Et foin de cours de philo, qui encombrent les cerveaux. Remplacez-moi tout ça par une bonne formation au tableur Excel ! Ça au moins, ça ouvre les portes des entreprises !
Et comme les entreprises sont assez circonspectes quant à la flemme, elles pencheraient plutôt pour l’évaluation continue qui permet de contrôler chacun à tout moment et à tout propos.
On peut toutefois se demander pourquoi, si les entreprises dictent leurs conditions, ce ne sont pas elles qui financent les formations.
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