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Un méchant garçon à Matignon


Un méchant garçon à Matignon

François Fillon, homme politique de l’année ! À l’occasion de leur raout annuel à l’Assemblée, les journalistes qui votent pour le prix du Trombinoscope[1. On notera que ce podium était quelque peu baroque, puisque le prix de la Révélation 2010 est allé à Jean-Luc Mélenchon !] ont trouvé que c’était super-formidable de couronner François Fillon. Mais quel Fillon a-t-on plébiscité, au fait ? L’immarcescible premier ministre que la presse adore ? Le paillasson préféré du président de la République ? L’homme qui souffre à Matignon devant une politique qu’il ne comprend plus ? Celui qui s’est vengé en devenant, en novembre 2010, « l’hyper-Premier ministre » ? Je continue ?[access capability= »lire_inedits »]

Chaussettes rouges et mèche parfaite

Derrière cette myriade de facettes, il y a bel et bien un mystère Fillon qui, à la vérité, devrait avoir été élucidé depuis longtemps : il est méchant. Et c’est cette seule méchanceté qui le maintient là où il est. La posture de victime qu’il affecte en permanence est un magnifique rempart contre les critiques. Sans compter que la détestation médiatique de son chef est telle qu’à côté, il paraît presque sympa. Prenons le temps de regarder de près l’homme aux chaussettes rouges et à la mèche parfaite: dans la majorité, les preuves de ses vacheries commencent à s’accumuler. Celles d’une marque qu’il laisserait sur le gouvernement de la France manquent franchement.

Les vacheries ? Allez, la dernière en date pour rigoler : l’aimable surnom de « Rantanplan » dont il a affublé Christian Jacob, le nouveau patron du groupe UMP à l’Assemblée. De quoi fâcher ce placide garçon qui est allé lui demander des explications. Lequel jure, la main sur le cœur, qu’on l’a mal compris ; et que, pour éviter certains cafouillages entre Matignon et l’Assemblée, il y aura réunion de coordination tous les lundis. Ça, c’est la promesse du lundi, qui s’évapore dès le mercredi. Jacob se refait aligner par presse et attachée de presse interposés. Et aura donc appris une chose : faut pas faire confiance à François Fillon.

Jégo, Boutin, Borloo : Fillon flingue dans le dos

D’autres ont connu les mêmes déboires. Plus loin dans le temps, Yves Jégo, alors ministre de l’Outre-Mer, ou Christine Boutin, au Logement, avaient noté, une fois sortis du gouvernement, que Fillon n’avait jamais pris la peine de les recevoir alors qu’ils avaient eu à gérer, dans leurs ministères, des sujets un peu chauds : la crise en Guadeloupe pour l’un, le fameux texte sur le droit opposable pour l’autre. Comme Borloo, qui se voyait déjà à Matignon et s’est fait flinguer dans le dos par un Fillon qui, des mois durant, avait fait distiller à flux continu les confidences sur la fiabilité douteuse de son ministre de l’Écologie. Le Premier ministre n’est pas pour rien non plus dans le drame judiciaire, mais aussi émotionnel, que vit actuellement Eric Woerth dans l’affaire de l’hippodrome de Compiègne. Lui qui, à Bercy, se serait fait tuer pour Fillon s’est fait tuer par Fillon.

Autre dossier qui fait tache : Fillon, qui n’arrête pas de se plaindre de l’hyper-présidence, trouve aussi, de temps en temps, son compte à rester comme absent du pouvoir. Pendant l’épisode tunisien (entendons-nous, avant le départ de Ben Ali), Fillon est absent. Il laisse monter MAM en première ligne. Logique, elle est au Quai d’Orsay. Mais le week-end suivant la chute du pouvoir tunisien, MAM, Brice Hortefeux, François Baroin et Alain Juppé sont repartis peinards dans leurs circos. C’est la saison des vœux : tout ministre d’Etat qu’on est, on ne plaisante pas avec ça. L’Élysée fera connaître son mécontentement d’avoir dû attendre encore une demi-journée pour convoquer une réunion au sommet. Et tout le monde a rigolé de ces ministres plus soucieux de leurs petits fours provinciaux que du risque d’explosion dans tout le Maghreb. On pourra tout de même s’étonner que, dans le lot, personne n’ait trouvé à redire de l’attitude du Premier ministre qui, manifestement, n’a pas jugé bon de serrer son équipe sur le sujet. Et même disons-le, a dû trouver ça chouette de planter simultanément les numéros 2, 3 et 4 du gouvernement, mine de rien.

Certains députés commencent à s’agacer de leur Premier ministre. Mais discrétos, faut pas exagérer, quand même. Mais il faut se faire raconter les sarabandes du remaniement. Fillon passant dans les rangs, flattant le col des uns, la croupe des autres. Promettant peu, mais un peu quand même. Et une fois le nouveau gouvernement connu, expliquant, la mine contrite, aux uns et aux autres : « Tu sais, j’ai rien pu faire. J’ai pu sauver que Roselyne. Sinon j’étais seul… »

Cette rhétorique de la solitude, du sérieux, Fillon l’endosse depuis quatre ans qu’il est à Matignon. Et imagine capitaliser là-dessus pour l’après. On le voit déjà candidat à Paris en 2014 ; les plus givrés du clan l’imaginent même, dès l’an prochain, en recours si Sarko ne devait pas se représenter. Mais qui connaît François Fillon, le séguiniste passé au sarkozysme en une nanoseconde ? Et qui, depuis, continue de la jouer gaulliste social sans jamais manifester la moindre inflexion politique par rapport à la ligne qu’on imagine dictée par l’Élysée… Alors, parfois, il balance une petite phrase, que la presse décortique à longueur de colonnes pour réussir à se persuader qu’il existe et ne pense pas pareil.

Mais regardons calmement : Fillon a le destin d’un Raffarin une fois sorti de Matignon − les blagues pourries et les phrases prophétiques incompréhensibles en moins. Alors, si, comme le proclame hugoliennement la devise de France.9, le club du Premier ministre, « la France peut supporter la vérité », alors, disons-la : la France, même en 2017 ou 2022, ne pourra jamais supporter François Fillon.[/access]

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Février 2011 · N°32

Article extrait du Magazine Causeur



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est journaliste

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