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Montebourg met un direct à TF1


Montebourg met un direct à TF1
Photo : Parti socialiste
Photo : Parti socialiste

Arnaud Montebourg, membre du Parti Socialiste, député de Saône-et-Loire, et avocat de profession, se passionne depuis toujours pour la télévision. On imagine aisément la jeunesse nivernaise de notre Saint Just joufflu, au regard enjôleur, fasciné par le poste de télévision familial ; vraisemblablement un imposant Ducretet Thomson en bois, ou un grésillant Radiola en bakélite blanche, renvoyant les images glorieuses d’une ORTF finissante, entre « Bonne nuit les petits », « Vidocq » et les aventures de Georges Pompidou.

« C’est le moment de taper sur TF1 ! »

Ce lourd héritage de passion cathodique semble littéralement déborder Arnaud. Dernier exemple en date : le secrétaire national du Parti socialiste à la « Rénovation », aliboron rocambolesque, a dit publiquement dans un langage confondant de brutalité tout le mal qu’il pensait de la chaîne de télévision détenue par le groupe Bouygues, TF1. La séquence vidéo qui est à l’origine de ce « buzz » montre Arnaud Montebourg s’exprimer en « off », juste avant que le documentariste Pierre Carles ne commence à l’interroger pour son film Fin de concession. Plus satisfait qu’Artaban, avec une cravate, et un micro-cravate, le député gourmand se livre au journaliste sur le ton soyeux de la confidence : « C’est le moment de taper sur TF1, c’est pour ça que je vais vous donner un coup de main ! » Lorsque Carles interroge Montebourg sur un éventuel conflit ancré de longue date entre sa personne et la chaîne privée, l’élu-brimborion pérore : « Non, c’est la télévision de la droite, c’est tout. C’est la télévision des idées qui détruisent la France, la télévision de l’individualisme, la télévision du fric, la télévision du matraquage sur l’insécurité. » Brrrr… L’individualisme bourgeois. L’argent sale de la finance. L’ignoble gouvernement policier des corps et des esprits. « TF1 ! TF Haine ! » (Entendre : TF1 / T-FN !), hurlaient en chœur les valeureux combattants antiracistes de l’entre-deux-tour des élections présidentielles de 2002, lorsqu’ils prétendirent comiquement imputer aux journaux d’une seule et unique chaîne de télévision privée, le vote nationaliste d’un quart du pays.

Certainement fort heureux de son effet, le délectable Arnaud Montebourg a reçu un courrier recommandé de la part de la direction de TF1, demandant explicitement des excuses au député de Saône-et-Loire. Mais l’impétrant socialiste au regard qui pense s’est cru obligé – à son tour – de demander des comptes à la chaîne qu’il avait initialement insultée, sans évidemment répondre de ses insultantes avanies… Ecrivant à Nonce Paolini, Pdg de TF1, Montebourg demande – sans coup férir – que la première chaîne française formule d’improbables « excuses » aux Français. Arnaud tonne : « Les rapports de proximité politique entre les orientations éditoriales de TF1 et le pouvoir actuel posent le problème dans une démocratie comme la nôtre ! » Car, oui, Arnaud se méfie comme de la peste de la télévision privée, au moins depuis qu’il a de la barbe au menton. Avocat de l’association de téléspectateurs « TV Carton Jaune », il s’est érigé – dès les années 90 – en pourfendeur de la chaîne privée, coupable de plusieurs « bidonnages » regrettables, dont la fausse interview de Fidel Castro par Patrick Poivre-d’Arvor. Pas touche au Lider Maximo ! En 1996, fidèle à ses obsessions, Montebourg fonde une nouvelle association… « Changer la Une », qui milite contre la reconduction de l’autorisation accordée à Bouygues par le CSA, pour exploiter la première chaîne. À l’époque la presse se frotte les mains : l’AFP parle du « combat » de la petite association, Les Echos d’une « bataille », et La Tribune d’une « croisade » contre TF1. Mais les effets de manche, tout autant que les cris d’orfraie sont vains : Bouygues garde la main la « Une » privatisée en 1987, et peut continuer à développer sa petite fabrique d’images populaires.

Mitterrand, parrain de la télé privée

Demeure l’acharnement, singulièrement amusant de la part d’Arnaud Montebourg, socialiste éclairé, qui a vécu sa maturation intellectuelle dans l’horizon des années Mitterrand… et qui n’a pas pu louper qu’à partir du début des années 1980 le paysage audiovisuel français avait sacrément changé. Arnaud, sans l’ombre d’un doute, a saisi que François Mitterrand avait littéralement poussé au cul un projet télévisuel outrageusement privé, porté par Publicis et la Compagnie Générale des Eaux (ex-Vivendi), brillamment baptisé Canal +. Une chaîne à la tête de laquelle il a placé un ami intime, et fidèle compagnon politique de plusieurs décennies, André Rousselet. Ce même François Mitterrand, à qui nous devons la promesse de campagne électorale de l’ouverture de la bande hertzienne, et sa libéralisation effective… ayant permis la naissance et le développement de puissants groupes privés comme NRJ.

Cet incontournable François Mitterrand, à l’ombre duquel Arnaud Montebourg a appris à penser dans la doctrine socialiste la plus stricte et intransigeante, a également contribué au lancement des cinquième et sixième canaux télévisés français. La « Cinq » de Berlusconi (1986-1992), première chaîne de télévision hexagonale généraliste commerciale privée à avoir obtenu son autorisation, n’était assurément pas un modèle de vertu. M6, chaîne privée née au même moment, n’est pas particulièrement connue pour sa contribution au débat public. Et pas un mot de l’avocat glorieux, défenseur nivernais flamboyant de la veuve, de l’orphelin et du
Mais Montebourg se fiche que la radio-poubelle et la télé-poubelle jaillissent de partout… et d’abord du dispositif médiatique mis en place par la gauche dans les années 1980. Non, ce qui lui semble urgent et prioritaire, c’est de se concentrer sur la pénible chaîne de télévision du groupe Bouygues ! Comme il a raison, Arnaud Montebourg, de mobiliser contre TF1 sa virtuose pugnacité !

Ma main est au feu – et Pierre Carles sera encore vraisemblablement là pour filmer en faux « off » complice : dans quelques années nous regretterons sans doute un diffuseur qui, en 1987, promettait fièrement le « mieux-disant culturel ». Oui, TF1. 1987. Une éternité. Ne vaut-il mieux pas une promesse non tenue, que pas de promesse du tout ?



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Il est l’auteur de L’eugénisme de Platon (L’Harmattan, 2002) et a participé à l’écriture du "Dictionnaire Molière" (à paraître - collection Bouquin) ainsi qu’à un ouvrage collectif consacré à Philippe Muray.

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