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Grand blanc sur fond noir


Il est grand et costaud, le lieut-co ! Avec cela, un parler direct : « J’m’en fous qu’tu sois d’la presse […] tu enlèves ma photo, tout de suite ! ». L’officier est français, le gars « d’la presse », togolais, ou au moins africain, ou peut-être seulement noir. Il dit « d’accord ! », mais n’obtempère pas. Le grand blanc -un irritable- se tourne vers un policier togolais, ou au moins africain, assurément noir, et, désignant le réfractaire, demande : « Il m’obéit ? ». La phrase est cocasse en ceci qu’elle est interrogative en apparence, alors qu’en réalité elle ordonne au policier d’agir auprès du contrevenant. Ils sont deux sur ce « il »-là, deux togolais, deux africains, deux noirs enfin. Deux secondes plus tard, le « il » policier exécute l’ordre: on entend le bruit mat que fait sa matraque sur le « il » « d’la presse »…

Après, la scène tourne aux palabres, on est en Afrique. La couleur du grand blanc, sous l’effet de la chaleur et de l’énervement, vire: du rose saumon elle passe au rouge tomate. Il n’est pas d’humeur à négocier, il n’a pas été formé pour cela. Pour lui, un rassemblement, cela se disloque, s’éparpille, se dissout, cela s’écrase, sous ces latitudes. Et il a les moyens de son ambition, le grand rougeaud d’élite, il en donne la preuve : « Tu sais qui je suis ? Je suis le conseiller du chef d’état-major de l’armée de terre !« . Cela se passait le 11 août : fin de la séquence.

La porte-parole adjointe du Quai d’Orsay, Christine Fages, a déclaré, le surlendemain: « Une sanction disciplinaire de dix jours d’arrêt a été notifiée hier au lieutenant-colonel Romuald Letondot, pour atteinte au renom de l’armée française ». En outre, le conseiller, qui a présenté ses excuses au journaliste mais a prétendu avoir été piégé, a été rappelé à Paris. Sera-t-il reçu par Bernard Kouchner, dont la rumeur prétend qu’il serait ministre des Affaires étrangères ? Ce dernier pourrait lui donner des conseils en matière de comportement et de négociation (surtout commerciale) avec les Africains[1. Pierre Péan, Le monde selon K, Fayard]…



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Né à Paris, il n’est pas pressé d’y mourir, mais se livre tout de même à des repérages dans les cimetières (sa préférence va à Charonne). Feint souvent de comprendre, mais n’en tire aucune conclusion. Par ailleurs éditeur-paquageur, traducteur, auteur, amateur, élémenteur.

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