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Insipides dating


Jour 1. Pas à tortiller : en amour, il faut raquer. Pour un mois : 29,99 euros. Pour six mois : 16,95 € mensuels (petite indélicatesse : il n’est pas clairement expliqué que, sans dénonciation explicite du contrat d’abonnement, il sera reconduit automatiquement). La romance commence donc par un arbitrage financier. Et continue par l’établissement d’une fiche digne des RG : âge, ethnie, taille, poids, photos, situation sociale, revenus, religion, etc. Sans omettre votre lettre de motivation (« annonce »). Magie à l’état pur.

Jour 2
Mon acolyte pour ce reportage : Dovra. Un collectionneur. Il passe en revue les fiches que j’ai sélectionnées la veille : « Les pas connectées depuis plus d’un mois, tu oublies. Pour les autres : un flash et un courriel type. » Pour attrapper l’âme sœur, en général, on se résigne à l’hameçon des petites astuces, mais là, c’est la pêche au filet dérivant. Dovra, lui, pianote en fredonnant du Bryan Ferry : « Jump up ! Bubble up ! What’s in store ? Love is the drug and I need to score… »

Jour 3
Café Marly, samedi après-midi, premier rendez-vous. Les premières entrevues se ressembleront toutes : elle flippe, habitué à filer rencard à Brad Pitt et à voir débarquer Michel Blanc. Sa panique se double du syndrome Price Minister : être retournée comme un colis décevant.

Jour 4
Moteur de recherche épatant : on peut trier selon ce qu’elles estiment le « plus attirant » chez elles. Les sophistiquées choisissent « le regard » ou « la nuque », les téméraires « les fesses », et les facétieuses optent pour « les pieds ». Les options « esprit » ou « humour » ne sont pas proposées. Au jeu du maquignon, et selon mes critères, je trouve : « Avocat » (229), « Fleuriste » (71), « Agriculteur » (8), « Chauffeur routier » (5), « Hôtesse de l’air » (215), « Médecin légiste » (kidding !). Et aussi des minis (moins de 1,49 m : 286), des girafes (plus de 1,98 m : 17) – dont Sala89 (1m99 pour 84kg), chasseuse de têtes dans le civil, qui dit parler kazakh et se définit comme « tenace ». Miam ! Bienvenue dans la cour des Meeracles.

Jour 5
Café de Flore, avec Blue_Shyn, jolie maman de trente-trois ans. Inscrite depuis deux ans – « une seule aventure » – et désabusée : « Je suis comme une DRH qui enchaîne les auditions de tocards… »

Jour 6
Une dizaine de messages chaque jour, des centaines de « nouveaux profils ». L’impression d’un cheptel. Il suffit d’entrer. De choisir. Meetic, le fantasme du backroom à portée des hétéros ?

Jour 7
Chez Fuxia avec Klara_Ma : premier blind date (pas de photo). Beaucoup de filles protègent ainsi leur anonymat, afin de ne pas être repérées par une connaissance. Dovra ricane : « Savoir si une nana est inscrite, même incognito ? Fastoche… » Lorsqu’on a oublié son mot de passe, le système propose de vous renvoyer vos « identifiants » par courriel. Un petit malin (ou votre femme…) peut donc aisément interroger le site en testant votre e-mail. De retour chez moi, j’essaye le courriel d’une insoupçonnable[1. Il ne s’agit pas d’Elisabeth L.]… Surprise !

Jour 8
D’origine malgache, Orinka88 se la joue « entretien d’embauche » lors de nos échanges. Bonne pâte, je tolère. Mais quand je retrouve cette créature habituée du Flore[2. Il ne s’agit pas de Marc C.] et qu’elle me décoche : « Un bon point pour toi, tu es ponctuel », je prends la mesure du romantisme à l’œuvre – sélectionné sur CV pour un entretien de débauche… En rentrant, un énième message de Calou4Ever, clone de Claire Chazal. Elle m’invite sur MSN, branche sa webcam, se met à poil (façon de parler : elle est 100 % épilée). Quelque part, Cupidon s’ouvre les veines.

Jour 9
Accoster un canon on line ? Mission impossible. A peine inscrite, elle reçoit un tombereau de mails. Ecœurée ou casée, la bombe ne connaît sur Meetic qu’une durée de vie éphémère. Deux hameçons possibles : un titre de mail qui se distingue des « Coucou ! » et autres « Slt ! » ou l’attente au coin du bois. Car, si dans la vie vraie, on les attend à la sortie (de la fac, puis du bureau…), ici, tout marche à l’envers : il faut les attendre à l’entrée. Catégorie : « nouveaux membres ».



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David Martin-Castelnau est grand reporter, auteur des "Francophobes" (Fayard, 2002).

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